EXODUS : GODS AND KINGS (2014)

Ridley Scott réinvente Les Dix Commandements en confiant à Christian Bale le rôle d’un Moïse guerrier…

EXODUS : GODS AND KINGS

 

2014 – USA

 

Réalisé par Ridley Scott

 

Avec Christian Bale, Joel Edgerton, John Turturro, Aaron Paul, Ben Mendelsohn, Maria Valverde, Sigourney Weaver, Ben Kingsley, Isaac Andrews, Hiam Abbass

 

THEMA DIEU, LES ANGES, LA BIBLE

Ridley Scott n’était a priori pas le réalisateur le plus approprié pour s’attaquer à un récit basé sur la foi religieuse. Ouvertement agnostique, il a certes souvent laissé Dieu occuper une certaine place dans ses films, mais c’était la plupart du temps pour motiver les agissements de ses personnages – agissements aboutissant plus d’une fois à des conflits, des guerres « sacrées » et des massacres. Lorsque Peter Chernin, ancien directeur de la 20th Century Fox, lui fait passer un scénario d’Adam Cooper et Bill Collage baptisé Moses, sa réaction est mitigée. A-t-il vraiment envie de s’intéresser à un scénario s’appuyant sur l’Ancien Testament ? En lisant le scénario, ses réserves finissent par s’estomper, dans la mesure où le personnage de Moïse est d’abord présenté comme un non-croyant, réticent à l’idée de se muer en meneur de son peuple avant d’accepter finalement son destin. À l’instar du personnage principal, Ridley Scott décide de faire preuve d’ouverture d’esprit et de réaliser le film. Jugé pas assez percutant, le titre Moses est remplacé par Exodus. Mais un célèbre film d’Otto Preminger, dont le studio MGM possède les droits, porte déjà ce titre. Pour éviter la confusion et d’éventuels problèmes juridiques, la 20th Century Fox opte finalement pour Exodus : Gods and Kings.

L’histoire prend place en l’an 1300 avant JC et, comme souvent chez Ridley Scott, commence par une gigantesque bataille. Ici, ce sont les Égyptiens qui s’opposent aux Hittites, menés par Ramsès (Joel Edgerton) et son demi-frère Moïse (Christian Bale) sous l’œil bienveillant du vénérable Seti (John Turturro) dont le règne s’achève bientôt. Lorsque Ramsès se retrouve sur le trône et découvre les origines de Moïse, la situation bascule et nous rappelle, par bien des aspects, l’arc dramatique de Gladiator. Il est en effet question une fois de plus d’un général des armées déchu qui prend la fuite et organise le soulèvement des esclaves contre l’oppresseur. Ce dernier est représenté par un souverain immature et capricieux qui vient d’accéder au pouvoir. Une réplique lie d’ailleurs les deux films. Lorsque Ramsès se tient près de son fils endormi et lui dit « tu dors si bien parce que tu sais que tu es aimé », il répète mot-à-mot la phrase que prononce Commode devant le lit de son neveu.

Foi ou schizophrénie ?

L’histoire de Moïse ayant maintes fois été portée à l’écran, Ridley Scott sait qu’il doit se distinguer en apportant une touche très personnelle. Au-delà de l’accentuation du caractère guerrier du film – Moïse est d’abord décrit comme un général efficace et un combattant aguerri -, le réalisateur laisse transparaître son scepticisme en abordant les nombreux miracles décrits dans l’Ancien testament sous un jour réaliste. C’est notamment le cas des dix plaies qui frappent l’Égypte (chacune ou presque trouvant une explication cartésienne) ou de l’ouverture de la mer Rouge (traitée ici comme un tsunami). Le choix le plus surprenant en ce domaine demeure sa visualisation de Dieu. À l’encontre de la représentation traditionnelle héritée des Dix Commandements de Cecil B. De Mille, autrement dit une voix caverneuse surgie des nuages, le cinéaste choisit de laisser Dieu s’exprimer à travers la présence d’un petit garçon énigmatique. Mais celui-ci existe-t-il réellement ? Il est permis d’en douter. Plusieurs plans larges, montrant Moïse qui parle tout seul en croyant s’adresser au jeune messager, semblent contredire la tangibilité de sa présence. Tout comme ce buisson ardent qui pourrait tout aussi bien être le fruit de son imagination. Ce meneur d’hommes touché par la foi ne serait-il donc qu’un illuminé schizophrénique en proie à des fréquentes hallucinations ? Une porte reste volontairement ouverte vers cette interprétation triviale, et c’est sans conteste l’un des aspects les plus intéressants de cette réinvention du célèbre épisode biblique, portée par la prestation solide, charismatique et habitée d’un Christian Bale comme toujours pleinement investi.

 

© Gilles Penso


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