LÀ-HAUT (2009)

L’un des films les plus surprenants – mais aussi les plus émouvants - produits par Pixar est une aventure fantastique hors du commun…

UP

 

2009 – USA

 

Réalisé par Pete Docter et Bob Peterson

 

Avec les voix de Edward Asner, Christopher Plummer, Jordan Nagai, Bob Peterson, Delroy Lindo, Jerome Ranft, John Ratzenberger, Elie Docter, Jeremy Leary

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I SAGA PIXAR

Spécialiste des concepts originaux et des défis scénaristiques, Pete Docter, à qui nous devons Monstres & Cie, se lance avec Là-haut dans une aventure tout aussi surprenante. La première image qui lui vient à l’esprit est celle d’une maison volante. C’est à partir de cette vision que l’histoire se dessine peu à peu. Là-haut commence par un film d’actualités des années 30 vantant les exploits de l’aventurier Charles Muntz, adulé par l’opinion publique lorsqu’il découvre les Chutes du Paradis, une terre perdue à l’autre bout du monde qui ressemble comme deux gouttes d’eau au plateau préhistorique du Monde perdu réalisé en 1925 par Harry O’Hoyt. Mais Muntz tombe dans le discrédit lorsque la communauté scientifique se rend compte que le squelette d’oiseau antédiluvien qu’il a ramené de son expédition est un faux. Qu’importe : les aventures de Muntz fascinent le tout jeune Carl Fredericksen, qui rêve de devenir lui aussi un aventurier lorsqu’il sera grand, bravant sa timidité maladive. Lorsqu’il se rend compte que la volubile Ellie (un moulin à parole hilarant, avec une bouche édentée et une tignasse folle) partage exactement les mêmes passions que lui, c’est le coup de foudre. La séquence qui suit cette rencontre est entrée dans les mémoires. Sans dialogue, soutenue par une magnifique musique de Michael Giacchino, elle raconte en dix minutes la vie commune de Charles et Ellie, jalonnée de joies et de peines, et s’achevant d’une manière tellement triste qu’elle prend tout le monde par surprise.

Après cette entrée en matière poignante, le spectateur est déboussolé, presque abasourdi par ce trop-plein d’émotion. Le retour au « temps réel » joue sur l’effet de rupture en se gorgeant d’humour, lequel repose notamment sur le caractère exagérément acariâtre de Carl, devenu désormais un vieil homme aigri. Mais c’est un humour un peu désespéré, parce qu’il tourne principalement autour de la vieillesse de son personnage principal (comme en témoigne la scène interminable où il descend un escalier sur un siège électrique, aux accents d’une reprise d’un extrait du « Carmen » de Bizet), et parce que nous conservons encore fraîchement en mémoire le triste destin de sa compagne Ellie. L’intrigue bascule définitivement lorsque Carl, menacé de finir ses jours dans une maison de retraite, attache des milliers de ballons à sa maison et la transforme en objet volant pour partir s’installer à l’autre bout du monde, aux Chutes du Paradis, comme il rêvait de le faire avec Ellie. Mais il découvre soudain que Russell, un petit boy scout qui s’est fixé comme mission d’aider une personne âgée, s’est embarqué avec lui…

Le paradis perdu

Suivant le modèle de Wall-E, le scénario de Là-haut marque une très forte rupture entre sa première et sa seconde partie. Si le premier quart d’heure s’inscrit dans un cadre réaliste et narre des péripéties résolument « terre à terre » (au propre comme au figuré), la suite du métrage bascule dans le fantastique pur, puisque nous y découvrons une terre préhistorique, un oiseau coureur géant d’une espèce inconnue, un vieil explorateur ayant découvert le secret de la jeunesse éternelle et des chiens équipés d’une technologie leur permettant de parler. Rien n’interdit d’ailleurs d’interpréter cette seconde partie comme le rêve que s’invente un vieil homme pour échapper à une réalité trop inacceptable. Cette théorie expliquerait pourquoi ce monde fantastique ressemble aux serials que Carl regardait dans sa jeunesse, et pourquoi des ballons gonflés à l’hélium sont capables de transporter sa maison, comme dans les dessins de son enfance. Mais ce serait une vision très pessimiste de ce récit féerique que Pete Docter a tendance à décrire comme une métaphore de la renaissance et du retour à la vie. Comme souvent, les deux lectures de cette histoire – au premier ou au second degré – sont possibles. Fruit de quatre ans de travail, Là-haut est le premier film Pixar qui ait été réalisé en 3D, la stéréoscopie intervenant surtout pour faire vivre aux spectateurs l’immersion des héros dans cette jungle fantastique, le vertige procuré par les Chutes du Paradis et le surréalisme du voyage au milieu des nuages. Présenté en ouverture du soixante-deuxième festival de Cannes, Là-haut est un triomphe. En plus de son succès, il remporte deux Oscars, celui du meilleur film d’animation et de la meilleure musique.

 

© Gilles Penso


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