MONSTRES ET COMPAGNIE (2001)

Pixar repousse les limites avec ce film au concept fou revisitant une des frayeurs enfantines les plus récurrentes : le monstre dans le placard…

MONSTERS, INC.

 

2001 – USA

 

Réalisé par Pete Docter, David Silverman et Lee Unkrich

 

Avec les voix de John Goodman, Billy Crystal, Mary Gibbs, Steve Buscemi, James Coburn, Jennifer Tilly, Bob Peterson, John Ratzenberger, Frank Oz, Daniel Gerson

 

THEMA RÊVES I MONDES PARALLÈLES I SAGA PIXAR

Rançon du succès et conséquence des exigences techniques toujours plus grandes des films en production chez Pixar, les effectifs du studio ont considérablement augmenté depuis Toy Story. A l’aube des années 2000, les employés sont désormais 500. Les trois premiers longs-métrages de l’équipe ayant démontré le savoir-faire des membres clé de l’équipe, malgré les nombreux obstacles dressés sur leur chemin, John Lasseter est suffisamment confiant pour laisser quelqu’un d’autre que lui à la tête du quatrième film estampillé Disney/Pixar. C’est donc à Pete Docter, co-scénariste des deux Toy Story, que revient l’honneur de s’asseoir sur le fauteuil du réalisateur. Il sera épaulé par David Silverman, vétéran de la série Les Simpsons pour laquelle il a longtemps officié en tant qu’animateur et réalisateur, et par Lee Unkrich. Quel sera le sujet du prochain Pixar ? Après les jouets vivants, Pete Docter pense à une autre constante de l’imagination enfantine : le monstre dans le placard. Il travaille sur cette idée alors que les équipes sont encore à l’œuvre sur 1001 pattes, et le scénario sera réécrit de nombreuses fois jusqu’à la version que nous connaissons. Au départ, Docter se penche sur l’histoire d’un trentenaire qui retrouve le carnet de croquis où il dessinait des monstres lorsqu’il était enfant. Dès lors, les créatures nées de son imagination apparaissent dans la réalité et l’accompagnent partout, sans que personne d’autre que lui ne puisse les voir. On le voit, il aura fallu bien des réécritures pour arriver au scénario définitif, lequel n’a finalement plus grand chose à voir avec l’idée initiale.

Le personnage humain principal évolue beaucoup au fil des versions. C’est d’abord une fille de six ans, puis un petit garçon, et enfin une fillette d’à peine deux ans qu’on surnomme Boo. Le monstre James Sullivan (alias Sully) apparaît très tôt dans le script, mais son comparse Bob Razowski n’est imaginé qu’au bout d’un an d’écriture, et tous deux passent par de nombreuses étapes de design. Monstres & Cie se situe donc dans la cité foisonnante de Monstropolis, dont l’énergie est fournie par les cris des enfants. Plusieurs spécialistes de la terreur sont chargés d’entrer dans notre monde – à travers des portes ouvrant dans des dimensions parallèles – pour effrayer les enfants en pleine nuit et recueillir leurs hurlements. Sully, un grand monstre sympathique à la fourrure turquoise, est un champion dans ce domaine. Mais un jour, une petite fille pénètre accidentellement à Monstropolis. Passée la panique, Sully et son ami Bob (un globe oculaire vert sur pattes) s’emploient à trouver un moyen de la ramener chez elle en toute discrétion. La tâche ne sera évidemment pas aisée…

Opération peur

Monstres & Cie regorge de créatures délirantes, du lézard-caméléon Randall Boggs au vénérable Henry Waternoose aux yeux multiples et au corps de crustacé, en passant par la vieille limace antipathique Roz et le bibendum velu George Sanderson qui fera le premier les frais de l’intrusion de Boo à Monstropolis. Pour concevoir cette galerie de créatures fantaisistes dignes de la Cantina de La Guerre des étoiles ou de la cour de Jabba dans Le Retour du Jedi, les designers laissent libre cours à leur imagination sans se laisser brider par la moindre contrainte anatomique ou biologique. Le concept fou et incroyablement original de Monstres & Cie permet des séquences de délire pur, dont le point d’orgue est une course poursuite vertigineuse à travers une multitude de portes dont chacune s’ouvre sur un monde parallèle différent. Dans la lignée des gags référentiels de Toy Story 2, Monstres & Cie rend hommage à un certain nombre d’œuvres passées, et notamment au maître de l’animation Ray Harryhausen. Le personnage de Bob Razowski est un clin d’œil (c’est le cas de le dire !) au cyclope du 7ème voyage de Sinbad et Celia, la gorgone aux cheveux-serpents dont il est épris, se réfère à la Méduse du Choc des Titans. Pour ceux qui n’auraient pas saisi les allusions, le nom du restaurant chic dans lequel Bob invite sa dulcinée est Harryhausen ! Rythmé sur une musique jazzy trépidante de Randy Newman, Monstres & Cie sera un énorme succès, le plus gros pour un film d’animation à l’époque, remportant au passage l’Oscar de la meilleure chanson et celui du meilleur sound design. C’est d’autant plus remarquable que son scénario connut de nombreux faux départs et que cinq longues années furent nécessaires à sa concrétisation. A ce jour, c’est encore l’un des films les plus aimés du studio Pixar.

 

© Gilles Penso


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