PÔLE EXPRESS (LE) (2004)

Robert Zemeckis s’empare de la technologie de la motion capture pour mettre en scène un conte de Noël d’un genre très particulier…

THE POLAR EXPRESS

 

2004 – USA

 

Réalisé par Robert Zemeckis

 

Avec Tom Hanks, Michael Jeter, Daryl Sabara, Josh Hutcherson, Nona Gaye, Tinashe, Peter Scolari, Jimmy Bennett, Matthew Hall, Eddie Deezen

 

THEMA CONTES

Le Pôle Express est un film en avance sur son temps. C’est à la fois sa plus grande qualité et son plus grand défaut. Robert Zemeckis a toujours su s’emparer des technologies d’avant-garde pour servir la virtuosité de sa mise en scène. Qui d’autre que lui aurait pu mettre en image les folles idées de Qui veut la peau de Roger Rabbit, La Mort vous va si bien ou Forrest Gump ? Mais pour la première fois de sa carrière, le cinéaste s’appuie sur des outils qui ne sont pas encore suffisamment matures pour concrétiser ses visions. D’où un résultat imparfait mais incroyablement audacieux. L’idée du Pôle Express est de pousser dans ses retranchements la méthode de la motion capture qui consiste à enregistrer les mouvements des comédiens pour pouvoir ensuite réadapter ces données sur des avatars numériques. Balbutiante dans les années 90, la motion capture est portée aux nues par l’équipe néo-zélandaise de Weta Digital qui s’en sert pour donner naissance au Gollum du Seigneur des Anneaux. Mais Zemeckis veut aller plus loin et bâtir un long-métrage entier autour de cette technologie, quitte à bouleverser les codes habituels du cinéma d’animation.

Le scénario du Pôle Express, co-écrit par Zemeckis et William Broyles Jr, s’appuie sur un roman pour enfants de Chris Van Allsburg. Le personnage principal est un petit garçon qui commence à grandir et n’est plus tout à fait sûr de croire au Père Noël, contrairement à sa sœur cadette. Alors qu’il est en proie au doute le soir de Noël, il est réveillé par une vision incongrue : un vieux train à vapeur qui s’arrête juste devant la porte de sa maison. Il s’agit du Pôle Express, qui ne prend que des enfants comme passagers, est dirigé par un contrôleur tatillon sur les horaires, conduit par deux techniciens à côté de la plaque et hanté par un personnage fantomatique qui vit sur son toit. Le train se dirige tout droit vers le pôle Nord pour aller rendre visite au Père Noël et à son armée de lutins.

Un train d’avance

Dès les premières minutes du film, on sent bien que quelque chose cloche. Les héros humains, quasiment tous incarnés par Tom Hanks, bougent de manière hyper-réaliste. Leur texture de peau, leurs vêtements, leurs cheveux, leurs regards se calquent étrangement sur le naturalisme des prises de vues réelles… mais sonnent pourtant faux. Ce phénomène, que les spécialistes allaient bientôt surnommer « uncanny valley », s’applique aux personnages en images de synthèse qui essaient à tout prix d’imiter les êtres humains mais n’y parviennent pas tout à fait, à cause de menus détails qui dévoilent la supercherie. Conscients de cet écueil, les artistes de Pixar avaient eu le bon goût d’éviter la quête de l’hyper-réalisme avec les humains de Toy Story en optant pour la stylisation et l’exagération. Mais Zemeckis est victime de ses propres ambitions et se retrouve dans une impasse. Il serait pourtant injuste de limiter Le Pôle Express à ce péché d’audace. La mise en scène demeure incroyablement inventive et immersive, plongeant les spectateurs dans un enchaînement de séquences d’action démentielles dignes du plus vertigineux des rides de parc d’attraction, osant des plans-séquence inimaginables (l’odyssée du billet de train, prolongement du célèbre voyage de la plume de Forrest Gump), nous invitant sans cesse au voyage et à l’émerveillement. Alors certes, les limitations techniques sautent aux yeux et un étrange malaise s’installe souvent face à ces clones digitaux qui imitent les humains. Mais il fallait bien Le Pôle Express pour paver la voie des Aventures de Tintin et d’Avatar.

 

© Gilles Penso


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