VOYAGE D’ARLO (LE) (2015)

Et si la météorite qui heurta la Terre pendant la préhistoire avait raté son objectif, laissant les dinosaures cohabiter avec les humains ?

THE GOOD DINOSAUR

 

2015 – USA

 

Réalisé par Peter Sohn

 

Avec les voix de Raymond Ochoa, Jack Bright, Jeffrey Wright, Frances McDormand, Jack McGraw, Peter Sohn, Steve Zahn, A.J. Buckley

 

THEMA DINOSAURES I SAGA PIXAR

En développement pendant six ans, Le Voyage d’Arlo connaît une genèse un peu compliquée. Sa première date de sortie est prévue en 2013, puis repoussée d’un an. C’est alors Bob Peterson, co-réalisateur de Là-haut, qui est censé le mettre en scène. Mais le scénario est jugé insatisfaisant, notamment son troisième acte que l’équipe de Pixar ne parvient pas à structurer correctement. Le film est donc décalé d’une année supplémentaire. Dans l’intervalle, le film est repris par Peter Sohn, qui avait réalisé le très beau court-métrage Passages nuageux. L’histoire du Voyage d’Arlo (dont le titre français semble vouloir se rapprocher de celui du Monde de Nemo) se déroule pendant la préhistoire, alors que les dinosaures dominent encore la Terre. Mais il s’agit d’un monde parallèle au nôtre. Car ici, la fameuse météorite qui aurait mis fin au règne des grands sauriens passe à côté de notre planète, évitant de justesse l’extinction de masse. Bien des années plus tard, les dinosaures sont toujours là et continuent de fouler le sol. Entretemps, ils sont devenus intelligents, construisent des objets, des outils, des abris, cultivent la terre et élèvent d’autres espèces animales. C’est dans cet univers alternatif que les humains font timidement leur apparition. Arlo, le plus jeune d’une famille de brontosaures, se prend d’affection pour Spot, un petit humain qui devient pour lui une sorte d’animal de compagnie.

Amateurs de viande, les tyrannosaures sont ici des cowboys éleveurs de troupeaux de bisons, mais les chasseurs les plus redoutables sont les vélociraptors, dont le corps est couvert de plumes, conformément à quelques-unes des découvertes paléontologiques les plus récentes. Les ptérodactyles charognards ne sont pas beaucoup plus rassurants, vénérant les tempêtes qui leur apportent de la nourriture à foison. Heureusement, des créatures pacifiques et végétariennes paissent aussi dans cette jungle antédiluvienne, comme ce styracosaure peureux qui se fond dans le paysage et dont les cornes abritent toute une foule de petits animaux de la forêt. Jouant presque la carte de l’auto-citation, le dinosaure vedette du film ressemble comme deux gouttes d’eau à celui du logo de la station-service Dinoco, vue dans Toy Story, et auquel il est fait allusion dans la majorité des films produits par Pixar. Membre d’une fratrie qui comporte deux sauropodes plus forts et plus puissants que lui, Arlo semble fragile, presque frêle, et sollicite toute l’attention de ses massifs parents. Paradoxalement, et comme le laisse imaginer un scénario un peu prévisible, c’est le plus « faible » qui aura le plus grand destin.

Une préhistoire post-apocalyptique ?

Les choix artistiques du Voyage d’Arlo marquent un décalage très fort entre le rendu des décors, ultraréalistes jusque dans leurs détails géologiques et botaniques les plus fins, et celui des personnages, presque aussi caricaturaux que ceux d’un film en pâte à modeler animé par l’équipe d’Aardman. S’il fonctionnait dans les autres films Pixar, ce fossé visuel entre les protagonistes et leur environnement crée ici une impression étrange, comme si ces deux éléments cohabitaient mal au sein du même film. Ce décalage se ressent aussi dans l’histoire elle-même. Le concept initial d’un monde parallèle où les dinosaures n’auraient pas disparu est prometteur, mais il faut reconnaître que le scénario ne sait trop qu’en faire. Les brontosaures deviennent fermiers et les tyrannosaures éleveurs (au sein d’une imagerie américaine à la Norman Rockwell qui s’éloigne beaucoup de l’universalité généralement de mise chez Pixar) et les humains restent sauvages. Mais tout finira par rentrer dans l’ordre. Car ce monde alternatif n’est que provisoire et ne se déploie pas avec l’audace et les surprises qu’il faudrait, comme si personne n’assumait jusqu’au bout l’idée servant de base au film. Certains spectateurs du film ont même bâti une théorie selon laquelle le monde du Voyage d’Arlo ne serait pas préhistorique mais post-apocalyptique, situé donc des dizaines de millions d’années après le passage de la météorite. Il est vrai que nous ne sommes pas si loin du futur de La Planète des singes, dans lequel les animaux règnent tandis que les humains sont retournés à la sauvagerie. Sorti la même année que Vice-versa, Le Voyage d’Arlo ne connaît pas le même succès et se comporte moins bien au box-office que la plupart des autres films du studio Pixar. Mais il aura tendance à être réévalué à la hausse quelques années plus tard.

 

© Gilles Penso


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