LILO ET STITCH (2002)

Une créature mutante, conçue par un savant fou extra-terrestre, s’échappe de sa planète et atterrit à Hawaï où elle rencontre une petite orpheline…

LILO & STITCH

 

2002 – USA

 

Réalisé par Dean DeBlois et Chris Sanders

 

Avec les voix de Daveigh Chase, Chris Sanders, Toa Carrere, David Ogden Stiers, Kevin McDonald, Ving Rhames, Zoe Caldwell, Jason Scott Lee, Susan Hegarty

 

THEMA EXTRA-TERRESTRE

Au début des années 2000, la machine Disney commence à battre de l’aile. Les tentatives de renouveau opérées avec des films comme Kuzco, l’empereur mégalo (2000) ou Atlantide, l’empire perdu (2001) ne remplissent pas les caisses comme prévu. Michael Eisner, alors à la tête de la firme aux grandes oreilles, cherche donc une idée inspirée sans doute par le triomphe de Dumbo qui, en 1941, avait réussi à faire oublier les échecs successifs de Pinocchio et Fantasia. Il décide donc de mettre en chantier un film peu coûteux mais qui puisse marquer les esprits. C’est dans cette optique qu’est exhumé un personnage oublié, griffonné en 1985 par un certain Chris Sanders pour un livre jeunesse jamais publié : Stitch, un « vilain petit canard » extraterrestre, à mi-chemin entre les Gremlins et Godzilla, affublé de la bouille d’un koala psychopathe. Ainsi naît Lilo et Stitch, qui sera orchestré par une équipe réduite bénéficiant d’une très grande liberté créative, mais – revers de la médaille – obligée de composer avec des moyens modestes. Après avoir initialement envisagé le Kansas, les coscénaristes et coréalisateurs Dean DeBlois et Chris Sanders décident de mettre le cap sur l’île de Kauai, à Hawaï, un décor à la fois paradisiaque et inédit dans l’histoire de l’animation Disney. Ce choix ne sera pas qu’esthétique. La culture hawaïenne imprègnera en effet le film en profondeur.

L’expérience 626, créature de laboratoire invincible conçue pour détruire tout ce qu’elle touche, échappe à ses geôliers intergalactiques et s’écrase sur la planète Terre, plus précisément, sur l’île de Kauai. En tombant sur ce mutant turbulent, Lilo, petite fille farouche et marginale, croit adopter un chien bizarre, le baptise Stitch et en fait son nouveau meilleur ami. Mais entre les catastrophes en série provoquées par la créature, les crises à répétition et les services sociaux qui menacent de séparer Lilo de sa grande sœur Nani, la cohabitation s’annonce explosive. Et ce ne sont pas Jumba et Pleakley, deux aliens bizarres chargés de récupérer Stitch, qui viendront apaiser les choses. Le film joue donc sans cesse la carte des contrastes. Au vernis SF pop et à la galerie de monstres cartoonesques répond une chronique familiale intime et mélancolique. Lilo n’est pas une héroïne Disney traditionnelle. Elle est peu sociable, excentrique, capricieuse. Stitch, lui, est un monstre agressif et brutal. Leurs douleurs respectives – solitude, rejet, peur d’être abandonnés – les rapprochent. Ensemble, ils vont apprendre à redéfinir ce qu’est une famille.

Grands écarts et anachronismes

Visuellement, Lilo et Stitch surprend dès les premières images. Car si la mise en couleur du film bénéficie des outils numériques et si la modélisation 3D permet notamment de concevoir les envolées des vaisseaux spatiaux, Sanders tient à employer la gouache traditionnelle, comme à l’époque de Blanche Neige et Pinocchio. Ce grand écart technologique n’est pas la moindre originalité de Lilo et Stitch, qui semble vouloir renforcer ce caractère singulier en invitant furtivement quelques éléments en prises de vues réelles (des photos d’Elvis Presley, des extraits du film The Spider) au beau milieu de l’animation. Les séquences de science-fiction pure – notamment celles du prologue – sont rehaussées par la musique orchestrale d’Alan Silvestri, tandis que l’ombre anachronique d’Elvis plane sur toute la BO. Lilo et Stitch s’impose donc à l’époque comme un ovni dans le monde formaté de Disney : pas de prince, pas de château, pas de chansons pour révéler les états d’âme des personnages. À la place, nous découvrons une chronique sociale sur la précarité, la résilience, le deuil et la reconstruction. Le film ose ainsi évoquer frontalement des blessures que le studio avait rarement osé explorer. Avec 145 millions de dollars au box-office américain, Lilo et Stitch offre au studio son plus gros succès depuis Tarzan (1999). Nommé à l’Oscar du meilleur film d’animation (finalement battu par Le Voyage de Chihiro de Miyazaki), le film marque un tournant, celui d’un Disney plus personnel, moins codifié, capable de mêler science-fiction exubérante, comédie débridée et chronique sociale sans jamais perdre sa cohérence.

 

© Gilles Penso

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