PINOCCHIO (1940)

Le pantin de bois imaginé par Carlo Collodi prend vie dans un des longs-métrages animés les plus emblématiques de l’âge d’or du studio Disney…

PINOCCHIO

 

1940 – USA

 

Réalisé par Ben Sharpsteen et Hamilton Luske

 

Avec les voix de Dickie Jones, Christian Rub, Cliff Edwards, Charles Judels, Mel Blanc, Don Brodie, Walter Catlett, Frankie Darro, Virginia Davis

 

THEMA CONTES I JOUETS

Après le triomphe de Blanche-Neige et les sept nains en 1937, Walt Disney cherche à confirmer la viabilité du long métrage d’animation. Son choix se porte sur Pinocchio, adaptation du conte de Carlo Collodi. Ce récit d’un pantin insolent rêvant de devenir un vrai petit garçon semble idéal pour prolonger la magie. Mais le ton du livre d’origine, rude, moralisateur, souvent cruel, déconcerte les scénaristes. Le personnage de Pinocchio, tel qu’imaginé par Collodi, est égoïste, ingrat, parfois franchement odieux. Impossible, pour Disney, d’en faire un héros attachant. Plusieurs mois de développement sont jetés à la corbeille, les premières planches sont abandonnées et le projet mis en pause. Parallèlement, Walt fait travailler ses équipes sur Bambi, qui tarde à démarrer. Pour ne pas laisser les animateurs inactifs, il relance Pinocchio, avec pour objectif de transformer radicalement le matériau original. Une des premières décisions cruciales est d’inventer le personnage de Jiminy Cricket, absent du texte de Collodi. Dans le conte, la conscience de Pinocchio est une sorte d’insecte anonyme. Disney décide d’en faire un compagnon bavard, bienveillant, drôle et musical, à la voix suave de crooner, confiée à Cliff Edwards. Pinocchio, lui, subit un relooking intégral. Au départ, les animateurs s’en tiennent à l’aspect rigide et presque inquiétant du pantin en bois. Mais Walt demande qu’on le redessine avec des traits enfantins, une bouille ronde et des expressions proches de celles d’un vrai petit garçon. C’est l’animateur Milt Kahl qui met au point la version définitive du héros, mi-enfant, mi-marionnette, avec ses bretelles, sa salopette et son éternel chapeau à plume.

Le studio mobilise ses meilleurs talents pour enrichir l’univers du film. Frank Thomas anime Geppetto, le vieux menuisier attendrissant ; Eric Larson donne vie à Figaro, le chat ronchon ; et Wolfgang Reitherman prend en charge Monstro, la terrifiante baleine. La musique est confiée au trio Leigh Harline, Paul J. Smith et Ned Washington, tandis que le scénario est retravaillé collectivement. Mais cette ambition a un prix : le budget explose, les délais s’allongent. Pour maintenir la motivation des troupes, Disney fait circuler les premières scènes terminées en interne, suscite l’émulation, relance les idées abandonnées. Il exige que chaque séquence soit porteuse de sens, d’humour ou d’émotion. L’équipe imagine alors des séquences marquantes comme la transformation en âne sur l’île Enchantée, ou la plongée dans l’estomac de la baleine — autant d’images encore en gestation, mais déjà prometteuses sur le papier. Au fil des mois, le pantin de bois prend vie…

La métamorphose des ânes-garous !

Pinocchio est souvent considéré comme le film le plus sombre de l’ère classique de Disney. Ses thèmes – manipulation, perte d’innocence, transformation – y résonnent avec une intensité peu commune. La séquence de l’Île aux Plaisirs, où les enfants se transforment en ânes, demeure l’une des plus troublantes : une métaphore glaçante de l’aliénation et de la perte de soi, qui annonce les métamorphoses douloureuses de films comme Hurlements ou Le Loup-garou de Londres. Visuellement, le film est une prouesse. Le soin extrême accordé à chaque plan pousse les artistes à expérimenter de nouveaux effets : bulles d’air dessinées à la main, reflets complexes, transparences délicates, jeux de lumière sophistiqués… Pinocchio est un véritable laboratoire technique, exigeant des innovations inédites pour l’époque. Sa bande originale, elle, atteint une dimension mythique. La chanson « When You Wish Upon a Star » deviendra – et reste encore aujourd’hui – la signature musicale de Disney. Sorti en février 1940, Pinocchio ne rencontre pourtant pas le succès commercial attendu, freiné par la Seconde Guerre mondiale qui en limite la diffusion en Europe. Le film remporte toutefois deux Oscars – Meilleure chanson originale et Meilleure musique de film – et finira par s’imposer comme l’un des chefs-d’œuvre les plus admirés de l’âge d’or du studio.

 

© Gilles Penso

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