CHICKEN RUN (2000)

Pour son premier long-métrage, le studio Aardman raconte la tentative d’évasion rocambolesque des pensionnaires d’un poulailler…

CHICKEN RUN

 

2000 – USA

 

Réalisé par Nick Park et Peter Lord

 

Avec les voix de Julia Sawalha, Mel Gibson, Phil Daniels, Lynn Ferguson, Rony Haygarth, Jane Horrocks, Miranda Richardson, Timothy Spall, Imelda Staunton

 

THEMA REPTILES ET VOLATILES

Avec Chicken Run, le studio Aardman frappe un grand coup. Connus jusque-là pour leurs courts-métrages (notamment trois aventures désopilantes de Wallace & Gromit), Nick Park et Peter Lord osent en 2000 le pari du long-métrage en stop-motion, avec l’appui du studio DreamWorks. Le concept naît d’une boutade : « La Grande évasion avec des poules ! » L’intrigue se déroule dans une ferme anglaise qui ressemble davantage à un camp de prisonniers qu’à un paisible poulailler. Ginger, poule aussi courageuse que lucide, rêve de s’enfuir. Mais ses multiples tentatives échouent, jusqu’au jour où débarque Rocky, un coq américain littéralement venu du ciel, puisqu’il a été catapulté par un cirque ambulant. Macho en diable, l’oiseau prétend savoir voler, et Ginger y voit aussitôt le moyen de libérer toutes ses congénères. Le problème, c’est que Rocky roule des mécaniques et fait le fier, mais il n’a jamais volé de sa vie ! En surface légère et burlesque, cette histoire se double d’un sous-texte lié à la liberté, la résistance et l’émancipation. Car la glaciale fermière Tweedy voit ses poules non comme des êtres vivants, mais comme une ressource à rentabiliser. Lassée des œufs, elle investit dans une machine à tourtes et transforme ainsi le poulailler en abattoir programmé. C’est là que l’intrigue bascule…

En décidant de mettre en scène des personnages inédits plutôt que les très populaires Wallace et Gromit, Nick Park et Peter Lord prennent un risque calculé, persuadés que les volailles ont un potentiel comique énorme, tout en s’avérant capables de susciter l’empathie des spectateurs. On s’amusera d’ailleurs à noter les points communs physiologiques que ces gallinacées ont avec Wallace (y compris les dents !). Chicken Run aura nécessité trois ans et demi de travail, intégrant même une période de recherches sur le terrain, notamment la visite d’un élevage de poules dans le Yorkshire. Quand on sait à quel point le procédé de la stop-motion est long et minutieux, même si l’on multiplie les plateaux de tournage pour optimiser les plannings, on ne s’étonne pas outre-mesure de ce temps de gestation. « Nous avons passé les deux premières années et demie à concevoir les personnages et à faire le storyboard », raconte Peter Lord. « Le tournage, lui, a duré 18 mois. Au départ, nous n’étions que deux à écrire dans une pièce tranquille, et à la fin, nous travaillions avec un groupe d’environ 250 personnes. C’était donc un véritable travail d’équipe à grande échelle. » (1) Un travail payant, c’est le moins qu’on puisse dire.

Poule position

Le casting vocal joue beaucoup dans le lien qui se tisse entre le public et les personnages. À ce titre, choisir Mel Gibson pour incarner Rocky est une sacrée trouvaille. « Peter et moi l’avons rencontré pour la première fois lors d’une cérémonie des Oscars, et il nous a invités à déjeuner dans son restaurant favori », raconte Nick Park. « Nous avons alors découvert qu’il était fan de Wallace et Gromit. Plus tard, lorsque nous avons regardé Maverick, son personnage n’était pas très éloigné de Rocky. Nous avons testé ses répliques en volant celles de Maverick et en les animant avec sa voix. Nous avons alors compris qu’il serait parfait. » (2) Julie Sawalha ne démérite pas dans le rôle de Ginger. Judicieusement, la version française choisit Gérard Depardieu et Valérie Lemercier pour les remplacer. Si le film a su marquer les esprits, c’est surtout parce qu’il ne prend jamais son public de haut. Il amuse les enfants et délecte les adultes sans jamais sacrifier ni l’un ni l’autre. Le cinéphile, lui, se régalera de l’infinité de références dont se gorge le film – principalement puisées dans le cinéma de guerre et d’aventure de l’âge d’or hollywoodien. Avec Chicken Run, Aardman pose la première pierre d’une filmographie unique en son genre. Drôle, inventif, palpitant, ce film d’évasion en argile n’a rien perdu de sa saveur, la stop-motion ayant l’inestimable avantage de moins vieillir que les images de synthèse, puisqu’il s’agit d’une technique artisanale résolument atemporelle et universelle.

 

(1) et (2) Extraits d’une interview réalisée pour la BBC en 2000.

 

© Gilles Penso

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