LA TOUR DES MONSTRES (1974)

Un petit groupe de vieux locataires sont prêts à tout pour ne pas être délogés de leur immeuble, même au pire…

HOMEBODIES

 

1974 – USA

 

Réalisé par Larry Yust

 

Avec Peter Brocco, Frances Fuller, William Hansen, Ruth McDevitt, Paula Trueman, Ian Wolfe, Linda Marsh, Douglas Fowley, Kenneth Tobey, Wesley Lau

 

THEMA TUEURS

Deuxième long-métrage de Larry Yust après le polar Trick Baby, Homebodies (une expression qu’on pourrait traduire par « les casaniers ») est un film d’horreur d’un genre très particulier. Les distributeurs français se perdent d’ailleurs en conjectures sur la manière de le promouvoir, le titrant une première fois Les Pousse-au-crime lors de sa sortie en mars 1976 (pour mettre en avant son caractère de comédie noire criminelle), avant de le rebaptiser La Tour des monstres pour sa réexploitation quelques mois plus tard (accentuant exagérément son caractère horrifique, poster démoniaque à l’appui). Tourné en cinq semaines dans deux villes différentes (dix jours à Cincinatti et quinze jours à Los Angeles), le film met en vedette une demi-douzaine d’acteurs vétérans qui, même s’ils n’ont jamais été des stars, cumulent à eux tous une présence active dans presque mille films ! Il faut dire que la moyenne d’âge de ce casting vénérable – 75 ans – force le respect. Yust construit le scénario qu’il co-écrit avec Howard Kaminsky et Bennett Sims autour de la négligence dont souffrent trop souvent les personnes âgées, poussant le concept jusque dans des retranchements très surprenants. La chanson malicieuse qui ouvre le film, « Sassafras Sundays », entonnée d’un ton guilleret par Billy Van et empreinte d’une douce nostalgie, nous laisse bien entendre dès l’entame que cette œuvre aux tonalités multiples ne sera pas comme les autres.

Dans un quartier en rénovation, où les petites habitations individuelles sont détruites pour faire place aux grands ensembles imaginés par le promoteur Crawford (Douglas Fowley), tous les habitants d’un vieil immeuble – majoritairement des gens âgés – sont sommés de quitter les lieux pour partir en banlieue dans de nouveaux logements anonymes, froids et onéreux. Certains acceptent à contrecœur, mais un petit groupe d’irréductibles refuse de quitter les lieux : un aveugle amateur de violon (Peter Brocco), un veuf qui est en train d’écrire ses mémoires (William Hansen), une agoraphobe timide qui ne sort jamais de chez elle et parle à son défunt père (Frances Fuller), le couple des gardiens des lieux (Ian Wolfe et Ruth McDevitt) et une vieille femme qui vit seule (Paula Trueman). Malgré les nombreuses intimidations de l’employée municipale venue leur distribuer des avis de relogement sans se soucier de leurs états d’âme (Linda Marsh), nos six locataires s’obstinent. Alors que le promoteur s’impatiente, plusieurs accidents mortels et inexplicables retardent soudain les travaux…

Vieilles canailles

Voir tous ces locataires âgés soudain désemparés face à la nécessité du déménagement, s’accrochant à leurs souvenirs et aux murs qui les renferment comme à des bouées de sauvetage, a quelque chose de touchant. « Je suis bien trop vieux pour tout réapprendre » dit l’un d’eux, parlant au nom de tous. Comment ne pas prendre fait et cause pour eux ? Face à la condescendance de leur entourage (l’arrogante agente immobilière, le propriétaire hargneux, les ouvriers moqueurs, les policiers indifférents), la colère monte lentement. Alors que le drame se noue sous un jour réaliste, le film entre soudain de plain-pied dans l’horreur (via une série de meurtres violents) tout en se réservant des passages ouvertement comiques (la séquence de la voiture conduite par une octogénaire maladroite) et des moments d’humour noir (la scène du fauteuil roulant sur lequel nos « héros » trimballent discrètement un cadavre). Larry Yust opère ainsi un mélange des genres audacieux qui rend souvent La Tour des monstres insaisissable. L’intrigue rebondit plusieurs fois de manière inattendue, muant les lieux les plus variés en supports de courses-poursuites boitillantes (un immeuble en chantier, l’étang d’un parc) et offrant à Paula Trueman le rôle d’une étonnante psychopathe du troisième âge. Un point de départ scénaristique voisin – évacuant tout élément horrifique pour pencher vers une approche de science-fiction féerique et familiale – sera décliné dans Miracle sur la huitième rue.

 

© Gilles Penso

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