COMMUNION SANGLANTE (1976)

Concocté par le cinéaste provocateur Alfred Sole, ce slasher anticlérical et sulfureux effraya les comités de censure de nombreux pays…

ALICE SWEET ALICE

 

1976 – USA / CANADA

 

Réalisé par Alfred Sole

 

Avec Paula Sheppard, Lilian Roth, Linda Miller, Mildred Clinton, Niles McMaster, Brooke Shields, Jane Lowry, Alfonso De Noble

 

THEMA TUEURS I ENFANTS

Né dans la commune très catholique de Paterson, dans le New Jersey, Alfred Sole fait ses études à Florence d’où il ressort avec un diplôme d’architecte, discipline qu’il pratique pendant plusieurs années. Mais Sole est piqué par le virus du cinéma, notamment sous l’influence de l’œuvre d’Alfred Hitchcock. Ses penchants provocateurs le poussent à réunir 25 000 dollars pour réaliser en 1972 son premier long-métrage, Deep Sleep. Très sexuellement explicite, pour ne pas dire pornographique, ce récit d’un homme qui tente de guérir son impuissance auprès d’un gourou est vilipendé par toutes les institutions catholiques qui en entendent parler et immédiatement retiré des salles de cinéma. Pour avoir osé se montrer si impertinent, Alfred Sole est même excommunié par l’église de Paterson ! Notre homme rumine lentement sa revanche, qui prendra quatre ans plus tard la forme d’Alice Sweet Alice, connu en France sous le titre de Communion sanglante. Plus qu’une simple charge anticléricale, ce slasher d’un genre très particulier (qui se positionne chronologiquement à mi-chemin entre Black Christmas et Halloween) montre à sa manière comment le poids des institutions religieuses et la bigoterie fanatique finissent par pulvériser les cellules familiales en déclenchant les comportements les plus excessifs et les plus déviants.

Dès l’entame, le malaise s’invite alors qu’il ne s’est encore rien passé. La famille Spages n’a pourtant rien de particulier. Catherine (Linda Miller) est divorcée et mère de deux petites filles : la délicieuse Karen (Brooke Shields en tout début de carrière), qui prépare sa communion, et la rebelle Alice (Paula Sheppard), qui n’en fait qu’à sa tête. Lorsque la caméra d’Alfred Sole pénètre l’enceinte religieuse, on sent bien que le dérapage est proche. Le jeune père Tom (Rudolph Willrich) n’est-il pas un peu trop attentionné avec les fillettes dont il s’occupe ? Sa bonne à tout faire madame Tredoni (Mildred Clinton) n’a-t-elle pas des réactions bizarres ? Annie (Jane Lowry), la sœur de Catherine, n’exprime-t-elle pas une dévotion trop rigide ? Quant à la petite Alice, n’adopte-t-elle pas un comportement schizophrénique de plus en plus inquiétant ? Les choses basculent brutalement lorsque Karen est assassinée le jour de sa communion par une personne emmitouflée dans un ciré jaune et portant un masque de démon. Les soupçons se portent alors immédiatement sur Alice, qui s’amuse souvent à porter ce type de déguisement. Et tandis que les liens distendus de la famille Spages volent en éclat, les meurtres se multiplient…

Le catalogue des déviances

Si Communion sanglante semble marcher sur les traces du sous-genre très codifié de l’enfant-monstre, popularisé dès 1956 par La Mauvaise graine, le scénario n’obéit à aucun archétype pour tailler sa propre route, se laissant partiellement influencer par Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg tout en ne s’interdisant aucun excès : meurtres sanglants, infanticide, pédophilie. C’est donc un véritable catalogue de déviances que porte Alfred Sole à l’écran, épaulé par son ami William Lustig (futur réalisateur de Maniac) pour la mise en scène des passages les plus violents. Plusieurs figures déséquilibrées et hautes en couleur croisent le chemin des personnages principaux et contribuent à édifier l’atmosphère trouble du métrage, notamment ce vieil évêque qui n’a plus toute sa tête ou cet affreux voisin obèse aux penchants libidineux (l’incroyable Alfonso De Noble). En ligne de mire de ce jeu de massacre, c’est bien sûr la religion qui est visée, génératrice de culpabilité, de frustrations et d’exactions commises au nom d’un dieu qui n’en demandait pas tant. Mal reçu par la critique, ignoré par le public, détesté par les institutions religieuses (comment pourrait-il en être autrement ?), Communion sanglante ne fit donc aucun éclat au box-office (malgré ses ressorties successives avec des titres différents et la mise en avant tardive du nom de Brooke Shields devenue entretemps une véritable star). Mais c’est depuis devenu un film culte dont l’importance dans le paysage cinématographique de genre est désormais unanimement reconnue.

 

© Gilles Penso


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