

Agressée dans son appartement, une jeune femme revit cette attaque dans ses cauchemars et finit par ne plus pouvoir distinguer la réalité du rêve…
DREAM LOVER
1986 – USA
Réalisé par Alan J. Pakula
Avec Kristy McNichol, Ben Masters, Paul Shenar, Justin Deas, John McMartin, Gayle Hunnicutt, Joseph Culp
THEMA RÊVES
Réalisateur d’œuvres aussi marquantes que Klute, À cause d’un assassinat, Les Hommes du président ou Le Choix de Sophie, Alan J. Pakula s’est bâti une solide réputation auprès des cinéphiles. On peut s’étonner de le voir s’attaquer à Dream Lover, un film à priori plus « mineur », empruntant les voies du thriller parapsychologique à mi-chemin entre le polar et le film d’horreur. Cela dit, explorer le monde des rêves est toujours intéressant pour un cinéaste. D’autant que Pakula, en émule de John Frankenheimer, a montré bien souvent sa maestria dans le traitement de sujets liés à la paranoïa et à la machination. Le scénario de Jon Boorstin — un collaborateur de longue date de Pakula, devenu par la suite un scénariste reconnu pour la télévision — tisse un récit inquiétant autour de Kathy Gardner, une jeune femme incapable de faire la différence entre le rêve et la réalité. Pour incarner ce personnage passablement perturbé, Pakula fait appel à Kristy McNichol, ancienne enfant star adulée dans les années 70 pour son rôle dans Family (qui lui valut deux Emmy Awards). Après avoir prouvé ses capacités à passer à des prestations adultes dans Dressé pour tuer, McNichol s’implique fortement dans Dream Lover qui, malgré une intrigue située à New York, aura principalement été tourné à Londres.


Jeune flûtiste talentueuse, Kathy Gardner (Kristy McNichol) tente de se libérer de l’emprise étouffante de son père (Paul Shenar), un avocat influent et autoritaire. Bravant ses interdits, elle quitte Washington pour s’installer seule à New York, intégrant une prestigieuse académie de musique et entamant une idylle avec son professeur de jazz (Justin Deas). Mais sa soif d’indépendance est brutalement brisée : un soir, un intrus (Joseph Culp) pénètre dans son nouvel appartement et l’agresse sauvagement. Traumatisée, Kathy tue son agresseur en état de légitime défense. Dès lors, la jeune femme est en proie à des cauchemars terrifiants, revivant nuit après nuit l’attaque. Épuisée, incapable de retrouver un sommeil réparateur, elle cherche désespérément de l’aide. C’est dans une clinique du sommeil qu’elle rencontre le Dr Michael Hansen (Ben Masters), un chercheur marginal obsédé par l’étude des rêves. Bien que ses expériences aient été jusqu’alors réservées aux animaux, il propose à Kathy un traitement expérimental baptisé « DREAM », censé éradiquer ses terreurs nocturnes. Si la thérapie semble apaiser ses nuits, elle révèle une part beaucoup plus sombre : Kathy, désormais incapable de distinguer rêve et réalité, commence à agir sous l’influence de ses pulsions les plus enfouies…
Erreur de parcours ?
Le rêve a toujours offert au cinéma un terrain d’exploration fascinant : psychanalyse symbolique avec La Maison du docteur Edwards, science-fiction et suspense avec Dreamscape, terreur pure avec Les Griffes de la nuit… En s’attaquant au sujet sous un angle à la fois pathologique et scientifique, Dream Lover s’annonçait prometteur. Il faut reconnaître que le scénario ne manque pas d’idées intriguantes, comme les variantes sur le même rêve avec des dénouements différents, les modifications d’un scénario onirique au cours du sommeil, ou cette injection qui fait faire au dormeur les gestes de son rêve. Malheureusement, malgré ces trouvailles, le film de Pakula hésite sans jamais vraiment choisir sa voie, tiraillé entre fantastique, drame psychologique et thriller. Erratique, piétinant, répétitif, le film se prive de l’élan de fantaisie qu’un tel sujet appelait. Reste un atout majeur : la somptueuse photographie de Sven Nykvist (Chaplin, Nuits blanches à Seattle). C’est évidemment insuffisant pour faire de Dream Lover un film mémorable. Présenté au Festival du film fantastique d’Avoriaz en janvier 1986, il y remporte pourtant le Grand Prix, face à un public déçu n’hésitant pas à l’époque à faire savoir bruyamment son mécontentement. Aujourd’hui, presque tout le monde a oublié Dream Lover, Pakula ayant poursuivi sa carrière avec panache grâce à d’autres morceaux de choix tels que Présumé innocent, L’Affaire Pélican ou Ennemis rapprochés. Sans parler d’erreur de parcours, disons plutôt que ce voyage au pays des rêves était sans doute une fausse bonne idée.
© Gilles Penso
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