

Dragons, grenouilles géantes, araignées monstrueuses et oiseaux immenses se côtoient dans ce conte magique très imaginatif…
KAIRYU DAIKESSEN
1960 – JAPON
Réalisé par Tetsuya Yamauchi
Avec Hiroki Matsukata, Tomoha Ogawa, Ryutaro Otomo, Bin Amatsu, Nobuo Kaneko, Izumi Hara, Kensaku Hara, Masataka Iwao, Seizo Fukumoto
THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I DRAGONS I REPTILES ET VOLATILES I ARAIGNÉES
Œuvre inclassable, ce film singulier propose un étrange mélange entre le kaiju eiga (film de monstres japonais) et le wu xia pian (film de sabre mythologique), deux courants alors très en vogue du cinéma de genre asiatique. Porté par un imaginaire foisonnant et une mise en scène inventive, Les Monstres de l’apocalypse conjugue affrontements épiques, magie surnaturelle et combats de créatures géantes dans un récit aux allures de conte fantastique. L’histoire prend place dans un Japon ancien et indéfini. Le château d’un prince est pris d’assaut par un traître, Yuki Daijo, épaulé par le sinistre sorcier Oroki-maru. Le souverain et son épouse sont tués, mais leur jeune fils, Ikazuki-maru, est sauvé par un groupe de fidèles qui s’enfuient en mer. Alors que les flammes consument la forteresse, les flots s’agitent, et un dragon surgit des eaux : reptilien, sans ailes, le front orné de cornes, la langue pendante et le corps hérissé d’écailles, il évoque une version plus menaçante et bestiale des dragons chinois traditionnels. L’apparition, accompagnée du cri caractéristique de Godzilla (du moins dans la version américaine), se solde par une attaque sur l’embarcation des fugitifs. Le jeune prince n’échappe à la mort que grâce à l’intervention d’un oiseau géant, envoyé par un mage bienveillant, figure tutélaire évoquant un Gandalf à la japonaise.


Dix années passent. Ikazuki-maru, devenu adulte, a été formé aux arts magiques. Il possède désormais des capacités extraordinaires : il peut sauter à des hauteurs prodigieuses, manipuler des cercles d’énergie, survivre même à une décapitation et recoller sa tête à son corps comme si de rien n’était ! Déterminé à venger la mort de ses parents, il entreprend un périple au cours duquel il fait la rencontre de Tsunaka, une jeune femme dont la grand-mère, liée à son ancien maître, lui remet une épingle à cheveux magique ornée d’une araignée. Ce détail anodin prend toute son importance lorsque l’on découvre que Tsunaka est en réalité la fille du redoutable Oroki-maru (le sorcier qui provoqua le chaos initial, pour ceux qui suivent). Le film se distingue par plusieurs séquences de combat inventives (celle opposant le héros à des portes volantes vaut le détour), ainsi que par un travail visuel audacieux. Les angles de prise de vue sont extrêmes, les jeux de perspectives rappellent même par moment le cinéma muet d’Hitchcock, et une séquence musicale inattendue intervient même sans préavis dans le château.
Un climax délirant
Le point culminant du film survient lorsque le héros convoque une grenouille cornue géante, couverte d’écailles et de pointes, qui surgit derrière le château et se lance dans une destruction méthodique des lieux. Tandis qu’il terrasse Yuki Daijo au cours d’un duel au sabre, le sorcier Oroki-maru fait son entrée, chevauchant une flamme stylisée dessinée dans le ciel. Il invoque alors le dragon du prologue, déclenchant une bataille de titans. Le crapaud crache du feu, le dragon riposte avec de puissants jets d’eau, et les deux créatures s’affrontent violemment, projetées contre de jolies maquettes. Alors que le dragon semble prendre le dessus, Tsunaka jette son épingle dans le ciel, invoquant une araignée géante qui déverse sur le monstre un liquide visqueux et mousseux. Le crapaud en profite pour ajouter quelques gerbes de flammes, et le dragon finit par exploser dans un final spectaculaire. Le film s’achève par un dernier combat à l’épée, ramenant l’intrigue sur un terrain plus humain. Par sa capacité à fusionner les codes de genres très distincts, Les Monstres de l’apocalypse surprend autant qu’il fascine. Malgré des effets spéciaux souvent datés et une narration parfois chaotique, l’ensemble dégage une inventivité rare. Bref, voilà une expérience aussi insolite qu’envoûtante qui séduira les amateurs de cinéma de genre à la recherche d’objets filmiques atypiques.
© Gilles Penso
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