

Après la défaite allemande en 1945, une poignée de nazis part se réfugier sur la face cachée de la Lune et y construit une base spatiale secrète…
IRON SKY
2012 – FINLANDE
Réalisé par Timo Vuorensola
Avec Julia Dietze, Christopher Kirby, Götz Otto, Udo Kier, Peta Sergeant, Stephanie Paul, Tilo Prückner, Michael Cullen, Kym Jackson, Ben Siemer, Tom Hoßbach
THEMA SPACE OPERA
Une gigantesque station spatiale installée par d’anciens nazis sur la face cachée de la Lune, une armada de zeppelins intersidéraux abritant une multitude d’engins de guerre rétro-futuristes, des centaines de vaisseaux spatiaux s’affrontant dans les cieux étoilés, la cité de New York en proie à de colossales destructions… Voilà un bref aperçu de l’incroyable spectacle que représente Iron Sky. Roland Emmerich et Michael Bay n’ont qu’à bien se tenir : la concurrence ne vient pas d’Hollywood mais du fin fond de la Finlande, où un petit groupe de cinéastes passionnés a osé faire reculer les limites de la science-fiction cinématographique en cultivant un humour parodique ravageur doublé d’un discours politique impertinent et provocateur. Ce projet atypique, né dans le sillage du court-métrage Star Wreck: In the Pirkinning, conserve l’ADN de ses créateurs : une passion dévorante pour la science-fiction, une volonté de subvertir les codes du genre et une énergie communicative. Le pitch est aussi absurde que savoureux : à la fin de la Seconde Guerre mondiale, une poignée de nazis s’est réfugiée sur la Lune où elle a construit une base secrète en vue de revenir conquérir la Terre… en 2018. Sur cette base lunaire aux allures de forteresse teutonne surgie d’un rêve de Fritz Lang, les descendants du Reich ont perpétué l’idéologie du Führer et s’apprêtent à lancer leur grande revanche cosmique.


Visuellement, Iron Sky impressionne par la richesse et l’ambition de ses effets spéciaux, orchestrés par Samuli Torssonen, déjà à l’œuvre sur Star Wreck. Le film totalise quelque 850 plans truqués, soit autant que Transformers 3, mais avec un budget de 7,5 millions d’euros. « N’importe quel blockbuster américain coûte vingt à trente fois plus cher », rappelle Torssonen. « Notre budget, comme nous le disions entre nous, c’était celui de la cantine des Transformers. » (1) Grâce à un recours massif à la post-production numérique et à des incrustations sur fond vert tournées dans un studio australien, Iron Sky réussit à faire illusion et à offrir un spectacle visuel digne d’un space opera filtré à travers une esthétique steampunk rétro-futuriste. « C’est Jussi Lehtiniemi qui a signé les concepts artistiques du film », explique Torssonen. « La grosse difficulté de son travail consistait à imaginer des concepts très réalistes malgré le ton comique du film. C’est tout le paradoxe d’Iron Sky. C’est un pastiche loufoque, mais son approche visuelle est très sérieuse. » (2) L’une des réussites du film est justement ce contraste entre l’ampleur spectaculaire de ses images et le second degré assumé de son propos.
Le réveil de la farce
Iron Sky est donc une grosse farce, mais aussi une satire grinçante de la politique mondiale, notamment celle des États-Unis, caricaturée à travers une présidente obsédée par son image médiatique et les sondages. L’intrigue moque avec allégresse les travers de la diplomatie internationale, les absurdités de la propagande et le marketing du patriotisme. Lorsque les nazis débarquent enfin sur Terre, ce n’est pas tant l’idéologie qui inquiète les puissances en place que la technologie avancée de leurs vaisseaux. Tourné à Francfort pour ses scènes urbaines (où furent recréés les décors de New York), Iron Sky a pu voir le jour grâce à un financement participatif pionnier pour l’époque. Une grande partie de ses fonds provient de dons en ligne, ce qui permet à l’équipe de garder un contrôle créatif total sur le projet. Le film reste ainsi fidèle à sa ligne satirique et irrévérencieuse, évitant l’aseptisation que lui aurait imposée un studio hollywoodien. Pour autant, Iron Sky n’est pas exempt de défauts. Certaines scènes souffrent d’un rythme inégal ou de personnages caricaturaux poussés à l’extrême. Mais ces faiblesses participent aussi du charme foutraque du film. Car Iron Sky ne cherche jamais à plaire à tout le monde. Il revendique son côté punk et anarchique. Le film a d’ailleurs trouvé son public parmi les amateurs de cinéma bis, les geeks férus d’uchronie et les fans de « nazisploitation » déjantée. Il donnera lieu à une suite en 2019, moins bien accueillie mais tout autant délirante.
(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2011
© Gilles Penso
À découvrir dans le même genre…
Partagez cet article