

Les corps se déchirent, explosent, dégoulinent et se transforment en armes biomécaniques monstrueuses dans ce film japonais délirant…
TOKYO ZANKOKU KEISATSU
2008 – JAPON
Réalisé par Yoshihiro Nishimura
Avec Zihi Shiina, Itsuji Italo, Yukihide Benny, Jiji Bû, Ikuko Sawada, Cay Izumi, Mame Yamada, Ayano Yamamoto, Akane Akanezawa, Tsugumi Nagasawa
THEMA MUTANTS
Au cœur de l’explosion du cinéma gore japonais des années 2000, Tokyo Gore Police s’impose comme une curiosité à la fois radicale et jubilatoire. Son histoire commence sur les plateaux de The Machine Girl de Noboru Iguchi, où Yoshihiro Nishimura, maquilleur et artisan des effets spéciaux, fait sensation par son inventivité sanguinolente. Repéré par Media Blasters, distributeur spécialisé dans les productions extrêmes, Nishimura se voit offrir sa première réalisation commerciale. Plutôt que de partir de zéro, il choisit de revisiter Anatomia Extinction (Genkai jinkô keisû), un film autoproduit qui lui avait valu, en 1995, le prix spécial du jury au Festival fantastique de Yubari. Le cinéaste reprend alors son univers de mutants et d’ultra-violence, mais cette fois avec des moyens plus conséquents. Le pari est d’autant plus fou que le tournage ne dure que deux semaines, un sprint au cours duquel l’équipe va devoir rivaliser d’ingéniosité pour donner vie à ce carnaval gore. Pour chorégraphier les combats sanglants, Nishimura fait appel à Taku Sakaguchi, acteur et cascadeur qu’il avait déjà côtoyé sur le délirant Meatball Machine en 2005. Ainsi naît Tokyo Gore Police, un film-symbole de la démesure et de l’audace de Nishimura, manifestement prêt à tout pour choquer, amuser et secouer les spectateurs du monde entier.


Dans un Japon dystopique, un scientifique fou connu sous le nom de « Key Man » (Itsuji Itao) crée un virus qui transforme les humains en créatures monstrueuses dotées d’armes biomécaniques étranges qui poussent à partir de leurs blessures. Pour lutter contre ces mutants, la police de Tokyo, désormais privatisée, forme une brigade spéciale qui utilise la violence et les exécutions publiques pour maintenir l’ordre public. L’un des chasseurs de mutants les plus efficaces est Ruka (Eihi Shiina), une jeune femme solitaire et tourmentée. Tout en aidant la police, elle est obsédée par la recherche du mystérieux assassin qui a tué son père en plein jour, alors qu’elle était encore enfant. Après un des nombreux affrontements sanglants qui rythment ses journées, Ruka se voit confier une nouvelle affaire qui la mène jusqu’à Key Man lui-même. Or celui-ci l’infecte en insérant une tumeur en forme de clé dans son avant-bras gauche avant de disparaître. La chasseuse de mutants va-t-elle devenir mutante elle-même ?
Geysers de sang
Fruit d’influences multiples, Tokyo Gore Police est un cocktail très particulier monté sur un rythme souvent frénétique. Les séquences d’action nerveuses, au cours desquelles notre héroïne défie la gravité – quitte en s’envoler en s’accrochant à un lance-roquettes ! – n’ont rien à envier aux échauffourées les plus mouvementées du cinéma de Hong-Kong. À ces chorégraphies insensées se mêlent des séquences sanglantes tellement extrêmes qu’elles en deviennent abstraites. Hommes déchiquetés à coups de mitraillettes, décapitations à la tronçonneuse, corps ouverts en deux à coup de sabre, autopsies à la scie circulaire, intestins jaillissant des ventres ouverts, émasculations spectaculaires, visages arrachés à coup de tesson de bouteille… Tous les excès sont autorisés, les geysers de sang éclaboussant parfois la caméra jusqu’à rendre les images écarlates. Et que dire de ces mutations corporelles que même David Cronenberg n’aurait pas osées ? Ici, les bras se muent en tronçonneuses, les yeux deviennent des canons, les sexes des trompes d’éléphant difformes, les seins des réservoirs d’acide… Pour contrebalancer toutes ces horreurs surréalistes, Yoshihiro Nishimura injecte beaucoup d’humour dans son film, notamment à travers les fausses publicités et les films de propagande qui s’insèrent dans le montage. On pense évidemment à Robocop et Starship Troopers, référence assumée par cette idée d’une police privatisée et fascisante. Le générique de fin nous promet « encore plus de gore », mais le film restera sans suite.
© Gilles Penso
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