

Cette vision crue et réaliste du vampirisme, sous haute influence du Martin de George Romero, ne nous convainc qu’à moitié…
THE TRANSFIGURATION
2016 – USA
Réalisé par Michael O’Shea
Avec Eric Ruffin, Chloe Levine, Aaron Moten, Danny Flaherty, James Lorinz, Larry Fessenden, Jorge Cordova, Lloyd Floyd, Anna Friedman
THEMA VAMPIRES
Monstres et misère sociale cohabitent dans Transfiguration, un film indépendant à très petit budget filmé dans les rues crues et délavées du Queens. Visiblement très influencé par Martin de George Romero (référence explicite dès les premières minutes, lorsque le jeune héros le désigne comme le plus réaliste des films de vampires), Michael O’Shea évite soigneusement les canons du genre pour s’ancrer dans un cadre résolument naturaliste, quasi documentaire. Ici, point de capes noires ni de canines scintillantes. La figure du vampire est intériorisée, tragique et angoissante, portée par un adolescent mutique et déconnecté du monde, Milo. Ce dernier vit avec son frère aîné, une épave casanière incapable de sortir de son canapé, et passe ses journées à visionner frénétiquement des films de vampires ou à consulter des forums dédiés au sujet. Il les classe, les commente, les compare, avec une fascination presque clinique, excluant au passage la saga Twilight, trop fantaisiste selon lui. Cette obsession vampirique n’est pas qu’un refuge symbolique. Milo tue effectivement des gens, dans des toilettes publiques ou des coins de rue sombres, pour leur sucer le sang. Mais Michael O’Shea prend soin de ne jamais l’enrober d’effets de style ou d’une imagerie gothique. Ici, le vampirisme est traité comme un symptôme, une pathologie mentale, une métaphore d’un mal-être plus profond, celui d’un garçon enfermé dans un quotidien sans amour ni avenir.


La force du film réside d’abord dans ce décalage : insérer une figure mythologique dans un environnement aussi prosaïque et brutal que les HLM du Queens, là où le danger réel vient des gangs, de la pauvreté et de l’isolement social. Milo est un monstre, certes, mais c’est avant tout un enfant abandonné, qui tente de donner un sens à son existence à travers la mythologie vampirique, comme on se raccroche à une fiction pour survivre à la réalité. Le film dégage alors une étrangeté fascinante dans cette manière de traiter le fantastique comme une strate presque invisible, enfouie sous une couche de morosité urbaine. D’où le rejet d’effets spéciaux spectaculaires ou de poétisation de la figure vampirique. Les meurtres sont ici froids, mécaniques, jamais esthétisés. Le problème, c’est que cette démarche, aussi intéressante soit-elle, finit par tourner à vide. Le récit patine, incapable de faire évoluer réellement la trajectoire de Milo. Il rencontre bien Sophie, une jeune fille paumée comme lui, voisine solitaire qui traîne ses blessures et sa fragilité, mais leur relation reste plate, sans véritable intensité.
La langueur monotone
Cette dynamique ne prend donc jamais totalement, tant le film semble se refuser à toute montée dramatique ou toute progression dans la mise en scène de la tension. Michael O’Shea choisit une mise en scène épurée, presque absente, privilégiant les plans fixes, les silences, une lumière naturelle souvent dépressive. Là encore, l’option peut séduire sur le papier, mais elle finit par desservir le film. Faute d’un point de vue affirmé, le récit devient fade, l’ambiance monotone. Transfiguration s’installe dans une langueur mélancolique qui devient pesante, jusqu’à créer une distance entre le spectateur et son personnage principal. L’ambiguïté du postulat – Milo est-il vraiment un vampire ou un adolescent dérangé ? – n’est d’ailleurs jamais vraiment exploitée, comme si le film refusait d’assumer ses propres promesses. On peut certes saluer la sincérité du projet, l’absence de cynisme ou d’effets faciles, ainsi que la volonté audacieuse d’intégrer le mythe du vampire dans un contexte social réaliste. Il y a dans Transfiguration des idées fortes, un malaise sourd et une tristesse poisseuse. Mais on y trouve surtout une inertie narrative qui laisse le film à l’état d’esquisse.
© Gilles Penso
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