LE TRIOMPHE DE TARZAN (1943)

Dans cette aventure rocambolesque digne d’un serial, le roi de la jungle affronte des nazis et vient au secours des habitants d’une cité perdue…

TARZAN TRIUMPHS

 

1943 – USA

 

Réalisé par Wilhelm Thiele

 

Avec Johnny Weissmuller, Johnny Sheffield, Frances Gifford, Stanley Ridges, Sig Ruman, Philip Van Zandt, Rex Williams, Pedro de Cordoba, Louis Adlon

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I TARZAN

Au début des années 40, Hollywood se fait l’écho du conflit mondial. Chaque studio trouve un moyen de soutenir l’effort de guerre : films patriotiques, comédies musicales exaltant le moral des troupes ou productions d’aventure destinées à galvaniser l’imaginaire du public. C’est dans ce contexte que naît Le Triomphe de Tarzan, un film où l’homme-singe, figure apolitique par excellence, devient malgré lui le champion d’une cause : celle de la démocratie contre le nazisme. À l’origine du projet, on retrouve le producteur Sol Lesser, déjà familier de l’univers créé par Edgar Rice Burroughs. Initiateur de Tarzan l’intrépide (1933) avec Buster Crabbe et La Revanche de Tarzan (1938) avec Glenn Morris, il récupère la franchise lorsque la MGM cède ses droits à la RKO. Le deal inclut deux de ses atouts majeurs : Johnny Weissmuller, toujours indétrônable dans le rôle-titre, et Johnny Sheffield, alias Boy, son fils adoptif. Maureen O’Sullivan, en revanche, reste sous contrat MGM et ne cache pas son soulagement de tirer un trait sur Jane. La situation mondiale ne laissant pas beaucoup de choix au scénario, Le Triomphe de Tarzan est quasiment un film de guerre. Le département d’État américain lui-même suggère à Sol Lesser qu’une histoire mettant en scène Tarzan opposé au fascisme serait un véhicule parfait pour un message de propagande accessible à tous.

Dès les premières minutes, nous apprenons que Jane est à Londres, auprès de sa mère malade, alors que la guerre fait rage. Mais la menace se déplace au cœur de la jungle africaine, puisqu’un avion d’officiers allemands survole la région de Palandria, un royaume fictif riche en matières premières stratégiques. Leur objectif consiste à séduire les habitants par des promesses de modernisation, puis à instaurer l’« ordre nouveau » à coup de discipline militaire. Tarzan, quant à lui, tarde à s’impliquer. Fidèle à sa nature, il reste d’abord à l’écart des intrigues humaines, jusqu’à ce que les nazis s’en prennent directement à Boy. Dès lors, le film bascule et l’homme-singe devient un guerrier implacable, une force brute qui affronte seul une armée entière, comme un Rambo avant l’heure. Privé de Jane, le récit introduit un substitut avec Zandra (Frances Gifford), une princesse guerrière de Palandria qui sauve Boy d’une chute mortelle en tout début de film, puis devient l’alliée de Tarzan face aux envahisseurs.

L’effort de guerre

Pour compenser un budget modeste, Le Triomphe de Tarzan joue habilement l’économie. Certains décors sont recyclés (la forteresse de Palandria est issue de Gunga Din), les stock shots d’animaux sauvages abondent (crocodiles, singes, félins), la jungle sent un peu le studio (le refuge de Tarzan et Boy est reconstitué à Sherwood Forest, en Californie, avec de grandes toiles peintes pour certains arrière-plans). Mais ce sens du bricolage régnait aussi sur les six films de la période MGM. En ce sens, Le Triomphe de Tarzan assure la continuité. On regrette évidemment que le célèbre cri du roi de la jungle ne soit qu’une imitation peu convaincante de celui que nous connaissons, la MGM ayant refusé de céder son enregistrement à la RKO. Pour le reste, ce nouvel opus ne pâlit guère de la comparaison avec ses prédécesseurs et témoigne même d’une ambition le dotant de proportions épiques, notamment au cours de la grande bataille finale contre les soldats allemands. Le film marque surtout une étape inattendue dans la mythologie du personnage. Si Tarzan fusionne plus que jamais avec son élément naturel – capable de parler avec les animaux et de comprendre leur langage, don qu’il a transmis à Boy -, il n’est plus seulement le gardien impartial d’une jungle fantasmée mais devient un héros enrôlé dans le combat universel contre la barbarie. Une mutation qui reflète parfaitement l’Amérique de 1943, où chaque production se devait de participer à la lutte idéologique.

 

© Gilles Penso

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