TROMEO & JULIET (1996)

Les créateurs du Toxic Avenger revisitent le classique de Shakespeare en y injectant du mauvais goût, du gore et des créatures mutantes…

TROMEO AND JULIET

 

1996 – USA

 

Réalisé par Lloyd Kaufman

 

Avec Jane Jensen, Will Keenan, Valentine Miele, William Beckwith, Steve Gibbons, Sean Gunn, Debbie Rochon, Lemmy, Stephen Blackheart, Flip Brown

 

THEMA TUEURS I MUTATIONS

En 1992, Lloyd Kaufman, patron de la firme Troma, rêve de revisiter William Shakespeare sous un angle trash. Avec Andy Deemer et Phil Rivo, deux employés du studio, il rédige une première mouture de Tromeo & Juliet. L’idée consiste alors à transposer la tragédie de Vérone dans un New York délirant, d’écrire l’intégralité des dialogues en vers shakespearien et de faire intervenir le Toxic Avenger. Mais Michael Herz, cofondateur de Troma, et le reste de l’équipe ne sont pas très enthousiastes face à ce scénario. Le projet retourne donc dans les cartons. Trois ans plus tard, en 1995, un jeune scénariste encore inconnu entre en scène : James Gunn, futur réalisateur des Gardiens de la galaxie et de Superman. Embauché par Kaufman, il repart de zéro et livre une version plus sombre, volontiers obscène, toujours écrite en vers. Dans cette réécriture, Juliet est strip-teaseuse et Tromeo dealer de crack. Le résultat étant jugé trop extrême, même selon les critères de Troma, Kaufman retravaille le script avec Gunn, atténue la noirceur, injecte davantage d’humour et coupe une bonne partie des alexandrins pour alléger le rythme. Le film trouve enfin sa juste tonalité. Mis en boîte à l’été 1995 pour 350 000 dollars – un budget pharaonique à l’échelle de Troma – Tromeo & Juliet s’affirme comme l’une des productions les plus ambitieuses du studio.

Structuré en plusieurs actes et raconté par le légendaire Lemmy du groupe Motörhead, Tromeo & Juliet prend place dans le Manhattan des années 90, où la guerre fait rage entre deux familles rivales : les riches Capulet et les pauvres Que. La haine se manifeste de manière grotesque, chacun s’envoyant des messages sanglants sous forme d’un pigeon éventré ou d’un écureuil pendu. Au cœur de ce chaos, nos deux jeunes héros se débattent dans des passions contrariées. Tromeo Que (Will Keenan), jeune homme pauvre et malchanceux, vit avec son père alcoolique Monty (Earl McKoy) et travaille dans un salon de tatouage aux côtés de son cousin Benny (Stephen Blackehart) et de son ami Murray (Valentine Miele). Pour satisfaire ses pulsions sexuelles, il se masturbe devant des CD Roms interactifs consacrés à Shakespeare ! Juliet Capulet (Jane Jensen), elle, recluse dans le manoir familial sous l’œil oppressant de son père Cappy (William Beckwith), de sa mère passive Ingrid (Wendy Adams) et de son cousin surprotecteur Tyrone (Patrick Connor), trouve un certain plaisir charnel avec sa domestique Ness (Debbie Rochon). Sa famille souhaite la marier au plus vite à London Arbuckle (Steve Gibbons), un riche magnat de la viande, pour consolider l’empire mafieux des Capulet. Mais lorsqu’elle rencontre Tromeo, c’est le coup de foudre… et le début des vrais problèmes.

West Trash Story

Conformément à l’esprit habituel des films Troma, les personnages s’avèrent ici tous plus stupides les uns que les autres. Alcooliques, drogués, incestueux, dégénérés, flatulents, bagarreurs, incontinents, ils cumulent une somme impressionnante de tares. Peu avare en nudité (les poitrines féminines se dévoilent volontiers), le film se lâche aussi sur le gore cartoonesque dès que l’occasion se présente : oreilles extirpées à mains nues, cerveau arraché, doigts tranchés, tête fendue, bras sectionné, décapitations, énucléations, visage aplati, boîte crânienne pulvérisée… C’est un véritable festival, orchestré par l’équipe des effets spéciaux de maquillage de Vincent Schicchi. Mais le film va plus loin en basculant ouvertement dans le fantastique horrifique. Dans deux séquences de cauchemar, Juliet fait l’amour à un homme dont le pénis est un monstre grimaçant, puis voit son ventre grossir brusquement jusqu’à expulser des popcorns et des rats ! Dans une autre scène, un boucher découvre un répugnant invertébré géant non identifié qui n’aurait pas dépareillé dans Le Festin nu. Quant à la potion conçue par le mystérieux Fu Chang, elle métamorphose carrément Juliet en femme-vache ! On le voit, tous les délires sont permis dans ce film-somme qui n’hésite pas non plus à accumuler les cascades automobiles et les autocitations (les déguisements de Sergent Kabukiman et Toxic Avenger dans un bal costumé, les posters de Atomic College, Toxic Avenger 2, Surf Nazis Must Die et de bien d’autres productions Troma). Ses nombreux excès feront de Tromeo & Juliet l’un des titres phares de la compagnie, et propulseront de manière stratosphérique la carrière de James Gunn.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article