

Douglas Fairbanks s’investit devant et derrière la caméra pour donner corps à l’un des plus célèbres contes des mille et une nuits…
THE THIEF OF BAGDAD
1924 – USA
Réalisé par Raoul Walsh
Avec Douglas Fairbanks, Snitz Edwards, Charles Belcher, Julanne Johnston, Sojin Kamiyama, Anna May Wong, Brandon Hurst, Tote Du Crow, Noble Johnson
THEMA MILLE ET UNE NUITS I DRAGONS I ARAIGNÉES
En 1924, Douglas Fairbanks est l’icône absolue du cinéma d’aventure. Après avoir enchaîné les succès avec Le Signe de Zorro, Les Trois Mousquetaires et Robin des Bois, il cherche un nouveau terrain de jeu pour repousser les limites du cinéma muet. En visionnant Le Cabinet des figures de cire de Paul Leni, il découvre un segment orientaliste qui lui inspire la mise en chantier du Voleur de Bagdad. Pleinement investi, il signe lui-même le scénario sous le pseudonyme d’Elton Thomas, produit le film et en tient bien sûr le rôle principal. Pour la mise en scène, il fait appel au vétéran Raoul Walsh et s’entoure d’une équipe de haut niveau. La photographie est ainsi assurée par Arthur Edeson (Frankenstein, Casablanca), les décors par William Cameron Menzies (qui marquera l’histoire du cinéma en devenant le premier « production designer » officiel sur Autant en emporte le vent) et les costumes par Mitchell Leisen, futur réalisateur spécialisé dans la comédie (La Baronne de minuit, La Vie facile). Quant aux effets spéciaux, très en avance sur leur temps, ils sont supervisés par Howard Lydecker (déjà à l’œuvre sur Le Signe de Zorro et Les Trois Mousquetaires), épaulé par Coy Watson et Hampton Del Ruth. Le tournage, étalé sur vingt-huit semaines, mobilise des milliers de figurants et donne lieu à une des plus grandes productions hollywoodiennes de l’époque, avec un souci du détail et de la démesure qui en font un projet hors normes.


À Bagdad, Ahmed (Douglas Fairbanks), voleur espiègle et acrobate, vit de rapines et de malice. Un jour, il s’introduit dans le palais du Calife (Brandon Hurst) et tombe éperdument amoureux de sa fille (Julanne Johnston). Pour l’approcher, il se fait passer pour un prince venu demander sa main, comme les autres prétendants rassemblés dans la cité. Mais son imposture est découverte. Trahi et emprisonné, Ahmed parvient à s’évader et se lance dans une quête périlleuse, à travers des royaumes enchanteurs et hostiles, pour rapporter à la belle une cassette magique. Ce périple épique l’emmène aux confins du monde. Il affronte un dragon redoutable, escalade les mille marches d’un escalier vertigineux, brave les flammes d’une caverne ardente, échappe à une araignée géante, capture un cheval volant et résiste aux sortilèges envoûtants de sirènes sous-marines. Chaque épreuve le rapproche un peu plus de son but et transforme le voleur en héros. Mais lorsqu’il revient triomphant à Bagdad, la ville est en proie au chaos : des envahisseurs barbares, alliés à l’un des princes rivaux, assiègent les murailles. Grâce au pouvoir de la cassette magique, Ahmed invoque alors une armée de cent mille guerriers pour libérer la cité…
Fairbanks l’acrobate
À 41 ans, Fairbanks impressionne encore par sa forme physique, multipliant les acrobaties avec une aisance intacte. Il porte le film de bout en bout, y injectant une énergie vive, presque juvénile, et un goût manifeste pour le spectacle visuel. En phase avec sa star, Raoul Walsh privilégie un récit linéaire ponctué d’épreuves fantastiques. L’intrigue, simple mais efficace, sert ainsi de prétexte à une succession de séquences mémorables, à la fois naïves et spectaculaires. Malgré les gros moyens déployés, le système D fonctionne à plein régime : le tapis volant de Fairbanks est suspendu à une grue via des câbles presque invisibles, les scènes sous-marines sont filmées à travers un voile de gaze pour simuler l’immersion avant d’être teintées en bleu, et des enfants sont utilisés comme figurants pour accentuer la disproportion dans la séquence du singe géant. Les somptueux décors de William Cameron Menzies, quant à eux, multiplient les architectures impossibles, les perspectives exagérées et les arabesques oniriques. Sans oublier la musique de Mortimer Wilson, composée comme une véritable partition symphonique avec des leitmotivs pour chaque personnage, à la demande expresse de Fairbanks, une bande originale qui témoigne d’un souci rare d’intégration image/son à une époque encore peu sensible à cette logique. Toujours aussi époustouflant tant d’années après sa réalisation, Le Voleur de Bagdad est devenu une pierre angulaire du film d’aventure fantastique, au sein de laquelle de nombreux cinéastes puiseront leur inspiration.
© Gilles Penso
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