ON L’APPELLE JEEG ROBOT (2015)

Les univers des films d’animation japonais et des histoires de gangsters italiennes s’entrechoquent dans ce film de super-héros peu conventionnel…

LO CHIAMAVANO JEEG ROBOT

 

2015 – ITALIE

 

Réalisé par Gabriele Mainetti

 

Avec Claudio Santamaria, Luca Marinelli, Ilenia Pastorelli, Stefano Ambrogi, Maurizio Tesei, Francesco Formichetti, Daniele Trombetti, Joel Sy

 

THEMA SUPER-HÉROS

Hommage direct à Steel Jeeg, l’anime culte de Gō Nagai très populaire en Italie depuis les années 70, le premier long-métrage de Gabriele Mainetti naît d’un pari audacieux : transposer l’univers coloré et fantastique du manga dans la réalité crue de la banlieue romaine. Le scénario, signé Nicola Guaglianone, détourne ainsi les codes du super-héros nippon pour les injecter dans un thriller urbain, sombre et profondément ancré dans le contexte social italien. Le titre original, Lo chiamavano Jeeg Robot, est une double référence : à l’univers de l’anime, bien sûr, mais aussi au western spaghetti On l’appelle Trinita, dont il détourne le ton pour annoncer d’emblée un film hybride, à la croisée des genres. Mainetti, cinéaste touche-à-tout, en signe non seulement la mise en scène mais aussi la bande originale. Le chemin vers la production aura été long et semé d’embûches. Le projet, bizarre et inclassable, peine en effet à convaincre les producteurs traditionnels. C’est grâce à la ténacité de Mainetti et au soutien de petites structures indépendantes qu’On l’appelle Jeeg Robot se concrétise enfin, dans des conditions de financement modestes.

Enzo Ceccotti traîne sa misère dans les quartiers pauvres de Rome, vivant de petits larcins. En fuyant la police après un vol, il plonge dans le Tibre et entre accidentellement en contact avec des déchets radioactifs. Après une nuit d’agonie fiévreuse, Enzo se réveille hagard, toujours vivant, mais avec une étrange toux persistante. Se découvrant une force surhumaine et une capacité de régénération hors du commun, il tente de reprendre sa routine, revendant sa montre volée à l’un des sbires du Gitan, un gangster mégalomane et violent. Dans l’entourage du Gitan, Enzo croise Alessia, une jeune femme brisée qui se réfugie dans l’anime Steel Jeeg, persuadée qu’Enzo en est le héros.  Qu’Enzo le veuille ou non, un destin de justicier semble l’attendre, et dès lors les ennuis vont prendre une tournure de plus en plus spectaculaire…

Le vengeur toxique

Ce film de super-héros atypique évoque d’emblée le Toxic Avenger de Lloyd Kaufman, puisque son protagoniste acquiert des pouvoirs surhumains après avoir été plongé dans un fût de produits chimiques. Mais Gabriele Mainetti ne cherche jamais à marcher sur les traces potaches de la Troma. De cette idée de départ excessive, il tire une comédie désenchantée sur le thème du justicier malgré lui, mêlant des motifs hérités de l’univers de Marvel (l’aphorisme « de grands pouvoirs entraînent de grandes responsabilités » s’y applique parfaitement) à la culture de la Japanimation des années 80 tout en s’intégrant dans un cadre réel, celui des rivalités entre gangs mafieux romains. Si le film fonctionne aussi bien et conserve sa cohérence malgré ce patchwork d’inspirations, c’est en grande partie grâce à la prestation tout en retenue de Claudio Santamaria et à celle – étonnamment poignante – de Ilenia Pastorelli. L’équilibre miraculeux qui s’opère entre ces deux personnages que tout oppose permet à Jeeg Robot de basculer en une seconde de la comédie la plus exubérante à l’émotion la plus intense. Cette belle surprise aurait pu être le point de départ d’une nouvelle franchise. Mais Jeeg Robot reste un « one shot », ce qui en renforce à la fois la singularité… et la valeur.

 

© Gilles Penso

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