PRINCE D’ÉGYPTE (LE) (1998)

Le studio Dreamworks réinvente Les Dix Commandements et produit à cette occasion l’un de ses plus beaux longs-métrages d’animation…

THE PRINCE OF EGYPT

 

1998 – USA

 

Réalisé par Brenda Chapman, Steve Hickner, Simon Wells

 

Avec les voix de Val Kilmer, Ralph Fiennes, Michelle Pfeiffer, Sandra Bullock, Jeff Goldblum, Danny Glover, Patrick Stewart, Helen Mirren, Steve Martin, Martin Short

 

THEMA DIEU, LA BIBLE, LES ANGES

Le Prince d’Égypte n’est pas un dessin animé comme les autres. Il s’inscrit clairement dans la volonté du studio Dreamworks d’aborder avec les films d’animation des sujets plus complexes et plus adultes qu’à l’accoutumée. Cette tendance, amorcée avec Fourmiz, atteint ici son apogée. Les épisodes les plus crus de l’histoire de Moïse – la dureté de l’esclavage, l’horreur des dix plaies d’Égypte – y sont abordés sans détour, et les rapports humains priment sur la reconstitution à grand spectacle. Ce traitement permet également à Dreamworks de s’éloigner du style entériné par les productions animées Disney depuis Blanche Neige et les sept nains. « Nous ne cherchons pas à faire de la concurrence à Disney », nous confiait à ce propos Jeffrey Katzenberg, co-fondateur de Dreamworks et responsable du département animation. « J’aime le style Disney. Il me plaisait lorsque j’y travaillais et il me plaît toujours. Je trouve notamment Mulan très réussi. Mais si l’on fait un petit calcul, on se rend compte que chaque année, on produit plus de longs métrages traditionnels qu’il n’y a eu de films d’animation depuis l’invention du cinéma ! Et 95 % de ces longs métrages animés adoptent le style Disney. Je suis persuadé qu’on peut traiter d’autres histoires, et sur d’autres tons, sans se priver pour autant de moyens conséquents et de visions spectaculaires. » (1) C’est de toute évidence la voie qu’ont choisie les coréalisateurs Brenda Chapman, Steve Hickner et Simon Wells.

Jusqu’alors, la référence ultime en termes de retranscriptions sur grand écran des aventures de Moïse et de ses prises de bec homériques avec son demi-frère Ramsès était Les Dix Commandements de Cecil B. De Mille. Le Prince d’Égypte lui emboîte le pas sans rougir, assumant totalement l’influence incontournable ce prestigieux prédécesseur pour mieux s’en défaire et offrir une vision neuve. Guidés à la fois par l’esthétique des gravures de Gustave Doré, des peintures de Claude Monet, des films de David Lean et Steven Spielberg, les trois cinéastes osent des images surréalistes inédites, comme les bancs de poissons et les baleines qui nagent à travers les murs d’eau de la mer Rouge fendue en deux ou une poursuite de chars ébouriffante à faire pâlir Ben-Hur. Techniquement, Le Prince d’Égypte fait d’ailleurs figure d’exception puisqu’à l’époque, aucun long métrage animé n’avait autant mis à contribution les effets spéciaux numériques et les images de synthèse, sans pour autant retirer au film son look de dessin animé en 2D. Nous ne sommes pas dans Fourmiz ou dans Shrek.

« Deliver us ! »

Mais si Le Prince d’Égypte a tant marqué les mémoires, c’est moins pour la qualité de ses séquences spectaculaires que pour sa capacité à saisir la fibre émotionnelle des spectateurs. Pour y parvenir, le film s’appuie sur un scénario en béton, un casting vocal de très haut niveau et une superbe bande originale co-écrite par Hans Zimmer (pour la musique) et Stephen Schwartz (pour les chansons). Le pari n’était pourtant pas gagné. « Les gens étaient un peu effrayés par le concept au départ », confirme la productrice Penney Finkelman Cox. « Le mariage entre la Bible, la musique et le cartoon ne les rassurait guère. » (2) Investir 80 millions de dollars dans un tel projet a dû provoquer quelques frissons en haut lieu. Mais le résultat en valait largement la peine. Les chansons se greffent d’ailleurs de manière organique à la narration, à tel point qu’elles interviennent souvent en amont du scénario et des storyboards afin que la dramaturgie puisse les intégrer directement. « Nous avons tenu à ne jamais interrompre le récit pour laisser place aux chansons, contrairement aux comédies musicales classiques », explique Schwartz. « Les chansons font partie intégrante de la narration. C’est notamment ce qui permet de faire tenir une aussi longue histoire sur seulement 90 minutes. Une chanson permet de grandes ellipses. » (3). Réentendre aujourd’hui les voix des chanteurs et des comédiens s’entremêler tout au long de ce drame biblique aux répercussions universelles procure toujours autant de frissons. Avant d’être un grand film d’animation, Le Prince d’Égypte est un grand film, tout simplement. Et qui n’a pas pris une ride.

 

(1), (2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 1998

 

© Gilles Penso

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