JU-ON : THE CURSE (2000)

Le tout premier volet de la saga The Grudge est déjà une œuvre virtuose qui contourne ses faibles moyens pour terrifier habilement les spectateurs…

JU-ON

 

2000 – JAPON

 

Réalisé par Takashi Shimizu

 

Avec Yûrei Yanagi, Yue, Ryôta Koyama, Hitomi Miwa, Asumi Miwa, Yumi Yoshiyuki, Kazushi Andô, Chiaki Kuriyama, Yoriko Dôguchi, Jun’ichi Kiuchi, Denden

 

THEMA FANTÔMES I SAGA THE GRUDGE

Avant de se déployer tous azimuts dans une longue franchise à la fois au Japon et aux États-Unis, la malédiction de Ju-On fit l’objet de deux courts-métrages signés en 1998 par le scénariste et réalisateur Takashi Shimizu : Katasumi et 4444444444. Le premier parle d’une étudiante qui disparaît mystérieusement derrière son école, tandis que le second met en scène un téléphone abandonné qui ne répond que par des miaulements. Intégrés dans le long-métrage à sketches Gakkô no kaidan G (aux côtés d’autres films courts réalisés par Kiyoshi Kurosawa et Tetsu Maeda), ces deux opus s’inspirent de la légende japonaise de l’Onryō, un esprit vengeur capable de se manifester physiquement pour attaquer et tuer ses victimes. À l’influence de ce récit folklorique s’ajoute celle d’un reportage télévisé que Shimizu découvre à propos de la hausse soudaine des cas de violence domestique au Japon dans les années 1990. Face au succès de Katasumi et 4444444444, le réalisateur décide d’en développer et étendre les histoires pour pouvoir mettre en scène son premier long-métrage. Tourné en neuf jours seulement avec des moyens très limités, Ju-On dure deux heures. Mais pour pouvoir l’exploiter en vidéo, il faut descendre en dessous de la barre des 90 minutes. Plutôt que couper des séquences, Shimizu décide finalement d’en tirer deux films : Ju-On : The Curse et Ju-On : The Curse 2.

Divisé en six parties, Ju-On : The Curse ressemble à priori à l’assemblage de plusieurs courts-métrages tournant autour d’une maison maudite dans laquelle un homme assassina sa femme et son enfant dans un accès de jalousie. Mais en réalité, chacun de ces récits est lié l’un à l’autre, au sein d’une narration composite virtuose. Tout commence lorsque Shunsuke Kobayashi (Yûrei Yanagi), instituteur en école primaire, apprend que l’un de ses élèves, Toshio Saeki (Ryôta Koyama), n’est pas venu à l’école depuis plusieurs jours. L’enseignant décide de se rendre chez lui afin de vérifier si tout va bien. Une fois sur place, il découvre Toshio dans un bien piteux état, au milieu d’un grand désordre. En inspectant les lieux, Kobayashi découvre de plus en plus de choses étranges et finit par percevoir une présence indéfinissable… À partir de là, le cauchemar se déploie d’un personnage à l’autre jusqu’à prendre des proportions incontrôlables.

Fantômes blafards

Les décors banals, les personnages simples, les situations triviales, le rythme lent, l’image vidéo et le format 4/3 pourraient être autant de freins à l’implication des spectateurs. Mais ils dotent au contraire le film d’une patine réaliste déstabilisante. L’horreur s’installe dans un univers quotidien et familier que Shimizu capte avec tellement de naturalisme qu’il permet au phénomène d’identification de fonctionner à plein régime. Dès lors, même si Ju-On s’inscrit pleinement dans la culture japonaise, les sentiments qu’il convoque sont universels. C’est sans doute la raison principale de son impact international. Ici, le malaise emprunte des voies inhabituelles pour s’immiscer chez les protagonistes : une voix bizarre qui grince (interprétée par le réalisateur lui-même), des néons qui clignotent, des jambes qui apparaissent et disparaissent furtivement, la sonnerie stridente et insistante d’un appel téléphonique émis par un numéro inconnu (le 4444444444), un enfant blafard qui miaule… Le choix artistique de peindre entièrement en blanc les fantômes vengeurs du film vient du Butō, une forme de théâtre japonais qui fit grande impression à Takashi Shimizu lorsqu’il était gamin. C’est en puissant dans cette peur d’enfance qu’il façonna l’apparence spectrale de Kayako et Toshio. Une peur qu’il parvint à communiquer au monde entier, comme le prouve le succès de la saga The Grudge.

 

© Gilles Penso

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