CHASSEUR DE SORCIÈRES (1994)

Dennis Hopper entre dans la peau d’un détective privé sur le point d’affronter des forces occultes et des obstacles surnaturels…

WITCH HUNT

 

1994 – USA

 

Réalisé par Paul Schrader

 

Avec Dennis Hopper, Penelope Ann Miller, Eric Bogosian, Sheryl Lee Ralph, Julian Sand, Valerie Mahaffey, John Epperson, Debi Mazar, Alan Rosenberg

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Paul Schrader, scénariste et réalisateur au caractère bien trempé (Taxi Driver, American Gigolo, Affliction), n’est pas l’homme qu’on attendrait derrière un téléfilm HBO de fantasy urbaine. Et pourtant, c’est bien lui qui s’attelle à Chasseur de sorcières, suite tardive de Détective Philip Lovecraft (1991) dont il reprend les grandes lignes – sur un scénario toujours signé Joseph Dougherty – sans parvenir à en transcender les limites. Le film se déroule dans un Los Angeles alternatif des années 1950, où la sorcellerie est légale et pratiquée comme une science ou un art. Studios de cinéma, vedettes, producteurs, tout le gratin hollywoodien use de sortilèges de manière répétée et quotidienne. Howard Philip Lovecraft (cette fois-ci incarné par Dennis Hopper, prenant la relève de Fred Ward), détective privé réfractaire à la magie, est embauché par Kim Hudson (Penelope Ann Miller), star de cinéma sur le déclin, pour enquêter sur son mari, un producteur influent nommé N.J. Gottlieb (Alan Rosenberg) qui menace de la remplacer dans son prochain film. Lors de ses investigations, Lovecraft croise la route d’Hypolita Laveau Kropotkin (Sheryl Lee Ralph), une sorcière vaudou aux pratiques pour le moins étranges. Ensemble, ils pénètrent dans les coulisses d’une industrie où les pouvoirs surnaturels remplacent peu à peu les méthodes traditionnelles.

L’affaire prend une tournure étrange lorsque Gottlieb, victime d’un maléfice, se retrouve réduit à la taille d’une poupée et meurt dévoré par son propre chien. Le drame fait les choux gras d’un sénateur populiste et autoritaire, Larson Crockett (Eric Bogosian), qui se lance dans une nouvelle croisade : purger les États-Unis de toute sorcellerie. L’allusion à la chasse aux sorcières du maccarthysme est évidente, mais sa transposition littérale dans le contexte de la magie peine à dépasser l’anecdote. Le film tente bien d’établir un parallèle entre les procédés répressifs de l’époque et une traque des pratiquants d’occultisme, mais le propos reste flou. Si Chasseur de sorcières conserve certains des atouts esthétiques de son prédécesseur – des décors rétro-fantastiques, une musique jazzy signée cette fois-ci Angelo Badalamenti (dans la mouvance de ses travaux sur Twin Peaks), l’inévitable voix off désabusée -, la magie n’opère plus vraiment. Le film flirte souvent avec la parodie, sans jamais l’assumer pleinement. Certaines idées, pourtant savoureuses, semblent noyées dans la masse, comme Shakespeare ramené d’entre les morts pour écrire un scénario hollywoodien, un prologue pastiche d’actualités d’époque ou encore des sortilèges vendus comme des produits de grande consommation.

Occasion manquée

Le casting lui-même était pourtant prometteur. Mais Dennis Hopper semble ici peu concerné, récitant sa voix off d’un ton las comme s’il regrettait d’avoir accepté ce job. Penelope Ann Miller entre dans la peau de la femme fatale classique sans y apporter d’éclat particulier (si ce n’est une once de trouble et de mélancolie) et même Julian Sands, pourtant taillé sur mesure pour le rôle du sorcier dandy, nous laisse de marbre. Autre problème majeur, déjà imputable au film précédent : Chasseur de sorcières ne tient pas ses promesses lovecraftiennes. Malgré le nom de son héros, le scénario ne puise jamais dans l’imaginaire des Grands Anciens. Et si le premier opus évoquait vaguement le mythe de Cthulhu sans s’y aventurer franchement, tout rapport avec l’œuvre de Lovecraft est ici abandonné, ce qui rend l’utilisation de son patronyme presque absurde. Paul Schrader étant connu pour son rapport complexe à la religion et nous ayant déjà offert la fascinante relecture d’un classique du fantastique (La Féline), on aurait pu espérer une plongée plus dérangeante dans un monde où la réalité vacille sous l’influence d’entités occultes, mais le réalisateur assure ici le service minimum. Même la charge contre le puritanisme américain, pourtant terrain de prédilection pour Schrader, paraît ici trop édulcorée, comme freinée par les conventions du format télévisuel. Chasseur de sorcières n’est donc ni le Chinatown surnaturel, ni le L.A. Confidential ésotérique que nous aurions pu espérer. Bref, une occasion manquée.

 

© Gilles Penso

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