THE WARD (2010)

John Carpenter revient sur le tard à l'épouvante minimaliste de ses débuts en développant une intrigue à tiroirs

THE WARD

2010 – USA

Réalisé par John Carpenter

Avec Amber Heard, Mamie Gummer, Danielle Panabaker, Laura-Leigh, Lyndsy Foncesca, Jared Harris, Sali Sayler 

THEMA FANTÔMES I SAGA JOHN CARPENTER

John Carpenter s’était fait discret depuis Ghosts of Mars. Allait-il désormais se contenter de toucher les dividendes des remakes de ses films (The Fog, Assaut, Halloween, The Thing) et déserter définitivement les plateaux de tournage ? Provisoirement, le réalisateur de New York 1997 était repassé derrière la caméra pour signer deux épisodes de la série Masters of Horror, mais ce n’étaient que des soubresauts ne portant qu’en filigrane la signature du grand maître qu’il fut. Pourtant, ce retour sur la chaise du metteur en scène esquissa son envie de retrouver ses premières amours. Et voilà enfin John Carpenter à la tête d’un nouveau long-métrage : The Ward. Bien sûr, tous les espoirs et toutes les craintes se focalisèrent, et quelles que furent les réactions après le visionnage du film, sans doute furent-elles trop extrêmes. Pour l’appréhender le plus justement possible, mieux vaut considérer The Ward comme un film d’épouvante modeste et sincère aux ambitions certes limitées, mais à l’efficacité indéniable. Le générique de début, magnifique, décline avec maestria le motif visuel du verre brisé et de la figure féminine meurtrie pour annoncer graphiquement les thématiques du scénario. Et lorsque le film démarre, dans un décor oppressant étalé sur un généreux format Cinemascope, la patte de Carpenter s’affirme ouvertement.

Nous sommes en 1965, dans la petite ville de North Bend, au fin fond de l’Oregon. Après avoir inexplicablement incendié une ferme, Kristen (Amber Heard) est arrêtée par la police locale et internée dans un institut psychiatrique pour jeunes filles dirigé par le docteur Gerald Stringer, qui expérimente des thérapies d’avant-garde pour soigner ses patientes. Kristen rencontre Emily, Sarah, Zoey et Iris qui, comme elle, sont sous haute surveillance. Persuadée qu’elle n’a pas sa place dans une maison de fous, notre héroïne se met en tête de quitter les lieux. Mais une présence inquiétante rôde dans l’institut et sème bientôt la terreur dans les couloirs sombres, les chambres et même les douches…

Un savoir-faire intact

Avec un savoir-faire que les années n’ont guère émoussé, Carpenter concocte ainsi des séquences d’épouvante d’autant plus efficaces qu’elles se placent à contre-courant de la vogue horrifico-gore dont The Ward est contemporain. Les apparitions spectrales évoquent même par moments celles de Fog, via leur traitement « à l’ancienne », et constituent les morceaux de choix du film. Une fois n’est pas coutume, Carpenter prend beaucoup de plaisir à diriger un casting presque exclusivement féminin. Jusqu’alors habitué aux « films d’hommes » dans la grande tradition du western classique, quitte à supprimer parfois tout élément féminin de ses longs-métrages (comme dans The Thing), le cinéaste arpente ainsi un terrain nouveau. Se jugeant trop vieux (de son propre aveux) pour composer la musique, il confie la bande originale à Mark Kilian, comme pour mieux se concentrer sur ses personnages et sur la mise en image de leurs tourments. Certes, au sein de la flamboyante filmographie de John Carpenter, The Ward est une œuvre mineure, parfois un peu routinière, mais elle témoigne d’une constance indéniable et surtout d’un indéfectible amour du cinéma.

 

© Gilles Penso

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