DRILLER KILLER (1979)

Abel Ferrara tient le rôle principal de son second long-métrage, celui d'un tueur détraqué armé d'une perceuse !

DRILLER KILLER

1979 – USA

Réalisé par Abel Ferrara

Avec Abel Ferrara, Carolyn Marz, Baybi Day, Harry Schultz, Alan Wynroth, Maria Helhoski, James O’Hara, Richard Howorth

THEMA TUEURS

Né et élevé dans le Bronx, Abel Ferrara a tourné quelques courts-métrages en super 8 et en vidéo avant d’attaquer en 1976 son premier long, un essai érotico-expérimental baptisé Nine Lives of a Wet Pussy. Un an plus tard, Ferrara tente un mélange bizarre entre le drame urbain et le film d’horreur. Armé d’une caméra 16 mm et d’un ridicule budget de 20 000 dollars, il s’attaque ainsi au tournage de The Driller Killer entre juin 1977 et mars 1978 dans les quartiers les plus sordides de New York. Sous le pseudonyme de Jimmy Laine, il incarne lui-même le rôle principal, celui d’un artiste peintre nommé Reno Miller qui partage son appartement miteux avec Carol (Carolyn Marz) et Pamela (Baybi Day), formant ainsi un triangle amoureux aux relations ambiguës (Ferrara en profite pour filmer avec une gratuité affichée une scène lesbienne sous une douche). Reno peine à payer les dettes qui s’accumulent et a bien du mal à finir la toile que lui a commandée une galerie de New York. Lorsque les Roosters, un groupe de punk rock échevelé, s’installe dans l’appartement voisin et s’adonne à des répétitions tonitruantes jour et nuit, les nerfs de notre peintre se mettent à craquer. Il commence à être en proie à des hallucinations, à entendre des voix… Un jour, pris d’un soudain accès de folie, il massacre un homme avec sa perceuse électrique. Ce n’est que le premier d’une longue série de meurtres ultra sanglants que Reno perpètre la nuit, une ceinture de batteries à la taille et une chignole à la main, s’en prenant aux SDF et aux poivrots du quartier…

Tourné à l’arrache, dans des conditions souvent précaires, The Driller Killer est un film brut et dépouillé, dont de nombreuses scènes dialoguées semblent en grande partie improvisées. Mais la spontanéité ainsi obtenue ne rattrape pas le fâcheux manque de rigueur du film. Les relations entre les personnages n’ont aucune teneur, la plupart de leurs réactions sont illogiques, l’agencement des séquences semble parfois aléatoire, et certaines d’entre elles durent plus que de raison (le type qui pousse des cris dans l’abribus, nos trois protagonistes qui mangent une pizza). Quant au tueur à la perceuse, rien n’explique vraiment son basculement dans la folie meurtrière, Abel Ferrara préférant visiblement la captation d’actions brutes à une quelconque approche psychologique du sujet.

Massacre à la chignole

Lorsqu’il s’agit de filmer les assassinats, le réalisateur livre des images à la violence exacerbée, notamment lorsque Reno perce en gros plan le crâne d’un malheureux avec force écoulement de sang, une séquence gorissime qui n’aurait pas dépareillé dans un film de Lucio Fulci. A mi-chemin entre le slasher (qui n’en était alors qu’à ses premiers balbutiements) et le thriller dépressif façon Taxi Driver (dont il semble souvent s’inspirer), The Driller Killer laisse finalement perplexe mais on sent bien, ça et là, les prémisses stylistiques d’un réalisateur en devenir, qui allait nous offrir quelques mémorables descentes aux enfers cinématographiques telles que Bad Lieutenant ou Snake Eyes. Dans son générique de fin, Ferrara dédie The Driller Killer « aux habitants de New York, la cité de l’espoir ».

 

© Gilles Penso

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