MADISON COUNTY (2011)

Un tueur au visage masqué par une tête de cochon surgit dans une forêt montagneuse de l'Amérique profonde…

MADISON COUNTY

2011 – USA

Réalisé par Eric England

Avec Colley Bailey, Matt Mercer, Ace Marrero, Joanna Sotomura, Natalie Scheetz, Nick Principe, Dayton Knoll, Adrienne Harrell

THEMA TUEURS

Depuis ses premiers balbutiements au milieu des années 70, le slasher, sous-genre majeur du cinéma d’horreur, a tellement été galvaudé au fil des ans qu’il est quasiment impossible de l’aborder aujourd’hui sous un angle original. Alors peine âgé de 22 ans, le réalisateur Eric England a tenu malgré tout à apposer son empreinte sur Madison County en choisissant une mise en forme brute et réaliste débarrassée de la stylisation extrême des « classiques » des années 80 (la génération Halloween et Vendredi 13) et du recul post-moderniste de ceux des années 90 (dans la foulée de Scream). Sa mise en scène épurée et efficace, aux cadres simples et à la photographie naturaliste, valorise le jeu de ses comédiens, bien moins caricaturaux qu’on aurait pu le craindre. Pourtant, chacun obéit a priori à un rôle stéréotypé et balisé : le jeune photographe sympathique (Matt Mercer) et sa jolie fiancée Brooke (Joanna Sotomura), le frère patibulaire de cette dernière (Ace Marrero) ainsi que la bonne copine blonde (Natalie Scheetz) qui en pince un peu pour un troisième larron (Colley Bailey). Le postulat lui-même semble emprunter la voie facile du cliché, puisque les cinq amis partent en voiture passer un week-end dans la forêt de l’Amérique profonde et croisent des autochtones qui les regardent d’un œil torve, tandis que quelqu’un semble rôder près d’eux. 

Mais une fois de plus, contre toute attente, Madison County s’écarte des sentiers battus. Sans recours aux effets faciles, aux « jump scares » et à l’humour potache, Eric England laisse l’inquiétude s’immiscer lentement, subtilement, par petites touches, laissant la caméra portée évoquer une menace qu’on ne voit pas encore. Le prétexte qui pousse le petit groupe à explorer cette région montagneuse reculée est une interview qu’a accepté de leur accorder David Randall, auteur d’un livre détaillant les méfaits sanglants d’un tueur en série ayant sévi dans les parages. Or l’écrivain semble avoir disparu et le serial killer ressemble de plus en plus à une légende urbaine… Jusqu’à ce qu’un tueur colossal et muet, le visage camouflé par une tête de cochon, ne surgisse soudain pour trucider tout ce qui passe à sa portée.

Pulsions sanguinaires

Même si l’allure de l’assassin masqué évoque celle du tueur cannibale de Nuits de Cauchemar et du Jigsaw du premier Saw, notre croquemitaine ne cherche pas forcément à marcher sur la trace de ses prédécesseurs, drapant sa présence de mystère sans pour autant s’ériger en une sorte d’icône toute-puissante et quasi-surnaturelle. De toute évidence, il ne s’agit de rien d’autre qu’un désaxé incapable de contrôler ses pulsions sanguinaires. La brutalité de ses meurtres a d’autant plus d’impact qu’elle est traitée crument mais sans recours aux effets gore appuyés. Lorsque Madison County approche de son dénouement, Eric England prend le parti audacieux de ne pratiquement rien nous expliquer et de laisser toutes les portes ouvertes. La frustration gagnera sans doute une partie des spectateurs, tandis que d’autres se féliciteront de ce refus du twist final traditionnel. Décidément, Madison County aura su contourner tous les lieux communs pour nous surprendre jusqu’au bout…

 

© Gilles Penso

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