NUITS DE CAUCHEMAR (1980)

Un film d'horreur gorgé d'humour noir qui éloigne Kevin Connor de ses habituels continents fantastiques

MOTEL HELL

1980 – USA

Réalisé par Kevin Connor

Avec Rory Calhoun, Paul Linke, Nina Axelrod, Nancy Parsons, Wolfman Jack, Elaine Joyce, Monique St. Pierre 

THEMA CANNIBALES

Au milieu des années 70, Kevin Connor s’est spécialisé dans les aventures fantastiques naïves et épiques, aux titres aussi exotiques que Le Sixième continentLes Sept cités d’Atlantis ou Le Trésor de la montagne sacrée. C’est donc non sans surprise qu’on le retrouve aux commandes de ce film d’horreur cynique et cruel qui nous propose une vision du cannibalisme pour le moins inattendue. Le sympathique fermier Vincent Smith (Rory Calhoun, héros du Colosse de Rhodes et de bon nombre de westerns) et sa sœur boulimique Ida (Nancy Parsons, futur personnage récurrent de la série Porky’s) tiennent un motel réputé dans une petite bourgade de l’Amérique profonde. Leur renommée, ils la doivent à une viande fumée unique au monde, dont le goût et le bouquet déplacent les amateurs de toute la région. Mais Vincent et Ida ont un jardin secret… Au sens propre, car il s’agit d’une parcelle de terrain cachée par des barrières imitant la végétation. Là, ils enterrent jusqu’au cou les malheureux visiteurs qui leur tombent sous la main, leur coupent les cordes vocales pour éviter qu’ils ne donnent l’alerte, puis les gavent patiemment en attendant qu’ils soient fin prêts pour se muer en viande fumée ! Depuis quelque trente ans, Vincent passe ainsi une bonne partie de ses nuits à tendre des embuscades aux automobilistes, du traditionnel piège à loups jusqu’aux fausses vaches en plastique grandeur nature…

On le voit, le ton du film est ouvertement celui de la comédie noire, et c’est tant mieux car sans cette distanciation, la vision de l’infortuné bétail humain gémissant d’écœurants borborygmes en attendant une mort prochaine serait proprement insupportable. Fort heureusement, un petit grain de sable va venir enrayer la machiavélique entreprise des Smith : une jeune fille rescapée d’un de leurs pièges, dont Vincent s’éprend peu à peu, et qui va découvrir l’abominable pot aux roses. Certes, Connor s’était déjà frotté à l’horreur à l’occasion du film à sketches Frissons d’outre-tombe, mais ici il dépasse allégrement toutes les audaces. Il faut voir les fermiers hypnotiser gaiement leurs victimes pour que leur mort soient plus douce, ou s’extasier devant leur vaste projet humanitaire, partant du principe qu’il y a trop de monde et pas assez de nourriture sur notre planète.

Le motel de l'enfer

Quant au final, il est carrément dantesque, puisqu’il commence comme une variante de La Nuit des Morts-Vivants, les martyrs aphones s’extrayant de la terre pour réclamer vengeance d’un pas traînant, puis s’achève à la façon d’un remake burlesque de La Guerre des étoiles, les sabres laser se muant ici en tronçonneuses et le casque de Dark vador ayant été troqué contre une tête de cochon ! Massacre à la tronçonneuse est aussi bien sûr en ligne de mire de ce dénouement outrancièrement parodique. Le titre original, qui joue sur les mots « Hell » et « Hello », trouve son écho visuel dans l’enseigne au néon du fameux motel, dont le dernier « o » ne s’allume plus, annonçant implicitement que l’accueil chaleureux des joyeux fermiers dissimule une véritable plongée aux enfers. Le titre français, hélas, se prive de cet astucieux calembour au profit d’un Nuits de cauchemar passe-partout.

 

© Gilles Penso

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