DANS LA BRUME (2018)

Un ambitieux film catastrophe franco-canadien qui plonge Romain Duris et Olga Kurylenko dans une brume mortelle

DANS LA BRUME

2018 – FRANCE / CANADA

Réalisé par Daniel Roby

Avec Romain Duris, Olga Kurylenko, Fantine Harduin, Michel Robin, Anna Gaylor, Réphaël Ghrenassia, Erja Malatier

THEMA CATASTROPHE

Le pari était pour le moins osé : rivaliser avec les grands films catastrophe hollywoodiens sans jamais chercher à les imiter, conserver une spécificité francophone tout en s’offrant une dimension internationale, aligner les décors ambitieux et les effets visuels spectaculaires mais respecter un budget modeste… Tel était le cahier des charges de Dans la Brume, amorcé dès 2011 sous forme d’un court-métrage par le producteur Guillaume Colboc et le réalisateur Dominique Rocher avant que le projet ne prenne de plus grandes proportions et n’atterrisse entre les mains du metteur en scène québécois Daniel Roby. On aurait pu craindre le syndrome de la bonne idée artificiellement étalée sur la durée d’un long-métrage, du film-concept faisant illusion pendant quelques dizaines de minutes avant que le soufflé ne retombe. Mais il n’en est rien. Dans la Brume est une réussite exemplaire, presque miraculeuse, reposant sur l’alchimie parfaite de ses comédiens rivalisant de naturel, de son scénario conçu comme un implacable parcours du combattant et de sa mise en scène virtuose jouant sans cesse avec les contrastes : les toits lumineux s’opposent aux rues enfumées, la respiration à l’asphyxie, l’optimisme au désespoir.

Un jour, sans préavis, un tremblement de terre secoue Paris et une fissure s’ouvre dans les sous-sols, libérant un gigantesque nuage brumeux faisant passer de vie à trépas tous ceux qui ont le malheur d’en respirer les effluves. Cette brume cauchemardesque se répand dans toutes les rues et monte sur une quinzaine de mètres de haut. Seuls ceux qui habitent les étages les plus élevés survivent donc à la catastrophe. C’est le cas de Mathieu et Anna (Romain Duris et Olga Kurylenko), qui trouvent refuge in-extremis chez leurs vénérables voisins campés par Michel Robin et Anna Gaylor. Le problème, c’est que leur fille Sarah (Fantine Harduin) est enfermée dans une bulle quelques étages plus bas, à cause d’une maladie incurable l’empêchant de vivre à l’air libre. Comment se dépêtrer de cette situation d’autant plus inextricable que les vapeurs toxiques continuent de monter inexorablement ? 

L'instinct de survie

Contrairement à celle de Stephen King, la brume n’abrite ici aucun monstre venu d’une dimension parallèle. Ce qu’elle cache de manière bien plus insidieuse, ce sont les instincts les plus primaires, ceux qui poussent les miraculés à survivre coûte que coûte, quitte à laisser parfois un penchant bestial insoupçonné prendre le dessus, à l’image de ce chien féroce et affamé qui menace nos héros dans l’une des scènes les plus mouvementées du film. Cette invasion vaporeuse, sombre et impalpable agit donc comme un révélateur, poussant chacun à se dépasser ou à s’enfoncer pour préserver l’étincelle de vie, devenue soudain si précieuse. S’il sait multiplier les rebondissements incessants, muant l’intrigue en véritable parcours du combattant, le scénario co-écrit par Jimmy Bemon, Mathieu Delozier et Guillaume Lemans nous touche surtout par son sens de l’épure, esquissant sans insister l’évocation d’un monde légèrement futuriste (la bulle dans laquelle vit Sarah utilise une technologie qui n’existe visiblement pas encore), évoquant discrètement la relation complexe du couple vedette (Mathieu et Anna semblent séparés au début du métrage), et acheminant le récit vers une chute délicieusement ironique.

 

© Gilles Penso

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