JURASSIC WORLD : FALLEN KINGDOM (2018)

Cinquième opus de la saga Jurassic Park, cet épisode au scénario évasif montre les limites du concept malgré un dernier acte soigné

JURASSIC WORLD : FALLEN KINGDOM

2018 – USA

Réalisé par Juan Antonio Bayona

Avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, James Cromwell, Rafe Spall, Justice Smith, B.D. Wong, Jeff Goldblum

THEMA DINOSAURES I SAGA JURASSIC PARK

Dans la foulée du succès de Jurassic Park, une séquelle avait inévitablement été mise en chantier en s’appuyant sur un concept scénaristique simpliste : une mission de sauvetage obligeant les héros à retourner sur l’île aux dinosaures. C’était Le Monde Perdu, qui portait certes par moment la patte de Steven Spielberg mais se distinguait surtout par sa vacuité et sa nature à peine camouflée de pur produit dérivé. Par un étrange effet de miroir, ce Fallen Kingdom opère de manière tout à fait similaire au regard du premier Jurassic World. Même les « nouveautés » (la chasse aux dinosaures, le surgissement des monstres dans la civilisation) reprennent le schéma du Monde Perdu. La prestation fugace de Jeff Goldblum résume à elle-seule la futilité de cette séquelle. Son personnage n’apparaît qu’en début et en fin de métrage pour délivrer quelques phrases sentencieuses servant surtout à alimenter les bandes-annonces. Dans Le Monde Perdu, il avait au moins l’honnêteté de bailler à s’en décrocher la mâchoire lors de sa première apparition devant un faux panorama tropical, comme pour mieux révéler le cynisme et le désenchantement ayant présidé à la mise en production de la première séquelle de Jurassic Park. Ici, on se contente d’un postulat absurde (l’île sur laquelle a été bâti le parc est menacée d’un cataclysme naturel, donc il faut partir sauver les dinosaures) pour relancer Chris Pratt et Bryce Dallas Howard sur les traces des grands sauriens.

Dès les premières péripéties, on sent bien que quelque chose cloche dans le film : les motivations des personnages sont incompréhensibles, les deux jeunes faire-valoir dont on les affuble nous insupportent (notamment l’espèce de sosie de Kev Adams qui incarne avec une lourdeur éléphantesque un informaticien trouillard), les éruptions volcaniques à répétition sont à peu près aussi crédibles que celles de Voyage au Centre de la Terre 2 (oui, celui avec The Rock) et même les hordes de dinosaures sont bâclées (la cavalcade du King Kong de Peter Jackson n’est pas loin). Juan Antonio Bayona est pourtant un cinéaste de talent dont l’amour des monstres n’est plus à prouver, mais il nous semble ici incapable de se dépêtrer de ce script anémique validé par des dizaines d’exécutifs d’Universal. Pour tenter de sauver les meubles, il rend hommage chaque fois qu’il le peut au cinéma de Spielberg et notamment à la saga Indiana Jones, Chris Pratt calquant ses mimiques sur celles d’Harrison Ford et Michael Giacchino imitant les marches militaires de John Williams.

Un réalisateur talentueux prisonnier d'un script anémique

Le film se rattrape en partie lors de son dernier acte, notamment grâce à son nouveau dinosaure vedette, une sorte de vélociraptor quadrupède géant qui semble avoir bénéficié de beaucoup plus de soins que la majorité de ses congénères et  déploie sa férocité dans des séquences de suspense à l’efficacité indiscutable. Mais à ce stade du récit, l’intérêt des spectateurs a tant été émoussé que l’impact des séquences en question n’est pas aussi fort qu’il le faudrait, d’autant que les hommages appuyés au premier Jurassic Park (la scène des raptors dans la cuisine et le climax en équilibre sur les squelettes sont ici fusionnés en une seule séquence) amenuisent souvent l’effet de surprise et nous laissent sur notre faim.

 

© Gilles Penso

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