L’ÉVENTREUR DE NEW YORK (1982)

Lucio Fulci réinvente la légende de Jack l’éventreur en y apposant son penchant pour le gore excessif

LO SQUARTATORE DI NEW YORK

 

1982 – ITALIE

 

Réalisé par Lucio Fulci

 

Avec Almanta Keller, Howard Ross, Jack Hedley, Andrea Occhipinti, Alexandra Delli Colli, Paolo Malco, Cinzia de Ponti, Cosimo Cinieri

 

THEMA TUEURS

Entre 1979 et 1981, Lucio Fulci atteignit l’apogée de son succès artistique et public en éclaboussant les écrans de quatre sommets de l’horreur atemporelle, L’Enfer des zombies, Frayeurs, L’Au-delà et La Maison près du cimetière. Conscient qu’il était temps de renouveler son champ d’exploration, et d’un commun accord avec son fidèle producteur Fabrizio de Angelis, il se lança en 1982 dans cette version modernisée des exploits de Jack l’éventreur en s’efforçant d’imiter le style brut des films américains de la fin des années 70, Friedkin, Scorcese et Peckinpah en tête. La bande originale, quant à elle, joue la carte du disco, alors très en vogue chez les cinéastes italiens. Au cours d’une séquence d’introduction dont on devine l’issue à l’avance, un homme joue avec son chien sous le pont de Brooklyn. La brave bête lui ramène plusieurs fois un bâton, mais au bout d’un moment elle revient vers son maître avec une main humaine dans la gueule. Le cadavre qui gît sous le pont, celui d’un mannequin de New York, s’inscrit dans une série d’assassinats pervers qui ensanglantent la ville.

Les victimes suivantes sont une cycliste éventrée dans une voiture au beau milieu d’un ferry, une strip-teaseuse assassinée au tesson de bouteille et une prostituée tailladée à la lame de rasoir (le téton, l’œil, tout y passe !). Le sang coule donc à flots, les blessures sont infligées en gros plan, mais ce qui fonctionnait dans les films purement fantastiques de Lucio Fulci semble inadapté ici. L’horreur est en effet tellement excessive et le cadre urbain tellement réaliste que le décalage entre les deux nuit à la crédibilité de l’ensemble. L’autre bizarrerie du film est liée à la spécificité du tueur. Il ne porte pas un masque de hockey, pas plus qu’il ne respire fort ou ne se déguise en sa mère. Son truc, à lui, c’est d’imiter le cri du canard pendant qu’il commet ses meurtres ! Même si ce comportement excentrique est justifié par la révélation finale, on a du mal à prendre complètement au sérieux cet assassin qui s’exprime à la manière de Donald Duck, et ce malgré l’atrocité de ses actes. Car avant d’occire ses victimes, « l’éventreur de New York » prend soin d’enfoncer un objet contondant dans leur sexe.

« C’est étrange un cerveau… »

A l’horreur dont il s’est fait une spécialité pour le plus grand bonheur des fantasticophiles, Fulci ajoute ici une bonne dose d’érotisme cru sans retenue, nous octroyant de longues scènes d’une hallucinante gratuité, comme cette femme se faisant longuement tripoter dans un bar louche. Le scénario joue la carte classique du whodunit, et tandis que l’inspecteur Fred Williams (Jack Hedley) piétine sur l’enquête, le spectateur se perd en conjectures. Le coupable est-il ce gigolo à qui il manque deux doigts ? Ce psychiatre aux goûts déviants ? Cette femme frustrée et nymphomane ? Lorsqu’une victime poursuivie dans le métro réchappe par miracle aux griffes du tueur, l’affaire prend une nouvelle tournure et s’achemine vers son dénouement. La clef de l’énigme s’avère liée à la fois à l’enfance et à un traumatisme, comme dans de nombreux giallo de Dario Argento, la subtilité et la stylisation en moins. Et l’un des protagonistes de conclure par une phrase inénarrable : « c’est étrange un cerveau… ». Lors de sa sortie, le film fut interdit de séjour en Norvège, en Australie, en Allemagne et en Grande-Bretagne.

 

© Gilles Penso



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