LE DENTISTE (1996)

En découvrant que sa femme est adultère, un dentiste réputé bascule progressivement dans la folie meurtrière

THE DENTIST

 

1996 – USA

 

Réalisé par Brian Yuzna

 

Avec Corbin Bernsen, Linda Hoffman, Michael Stadvec, Molly Hagen, Ken Foree, Tony Noakes, Patty Toy, Jan Hoag, Virginya Keehne, Earl Boen, Mark Ruffalo

 

THEMA TUEURS

Tourné trois ans après le doublé gagnant Le Retour des morts-vivants 3 et Necronomicon, Le Dentiste marque le retour de Brian Yuzna à la mise en scène, un retour qui ne s’est pas fait sans mal. Après que le producteur exécutif Mark Amin ait exposé son idée initiale d’un dentiste serial killer, Yuzna cherche à en tirer un scénario satisfaisant, mais le processus s’éternise. Écrit puis réécrit successivement par Denis Paoli, Charles Finch et Stuart Gordon, le script peine à convaincre le producteur canadien Pierre David (Scanners, Chromosome 3, Videodrome) qui hésite longtemps avant de lancer le projet. Mais Yuzna est tenace, et malgré le ridicule budget à sa disposition (700 000 dollars à peine), il ne refrène pas ses ambitions et passe lui-même derrière la caméra, après que son complice Stuart Gordon ait été initialement envisagé pour réaliser le film. Tourné à l’économie pendant dix-huit jours, confiné dans deux décors principaux (une grande villa et un cabinet de dentiste, plus deux ou trois pâtés de maison), bricolé avec les moyens du bord (de nombreux meubles et accessoires ont été prêtés par des magasins de décoration), Le Dentiste fait fi de ses moyens anémiques pour narrer le plongeon dans la folie meurtrière d’un obsédé d’hygiène dentaire.

Corbin Bernsen déborde de charisme et d’autorité dans le rôle d’Alan Feinstone, un dentiste réputé dont le cabinet ne désemplit pas. Mais derrière sa façade rassurante et charismatique, l’homme cache des névroses qui compliquent sérieusement son quotidien et celui de son entourage. Maniaque, obsessionnel, agressif avec sa femme, condescendant avec le petit personnel, méfiant au-delà de toute mesure, il est soucieux du moindre détail. « Je suis l’instrument de la perfection et de l’hygiène, l’ennemi de la corruption et du pourrissement » affirme-t-il en voix off, comme pour se convaincre lui-même qu’il est croisade contre la saleté et l’infection. Il suffit d’une goutte d’eau pour que la névrose se transforme en psychose. Cette goutte d’eau, c’est la découverte de l’adultère de son épouse, prompte à se jeter dans les bras du garçon qui entretient la piscine dès que son mari a le dos tourné. A partir de là tout bascule. Et comme Bernsen est notre seul véritable pôle d’identification, comment savoir si la tromperie à laquelle il a assisté est réelle ou le fruit de son imagination malade ? Toujours est-il que lorsqu’il retourne auprès de ses patients, son esprit est passablement perturbé. Le massacre peut alors commencer…

La phobie de la roulette

Ciselée, précise, efficace, la mise en scène de Brian Yuzna surprend par une finesse que nous ne lui connaissions pas, comme si les conditions de tournage drastiques lui imposaient un recours au langage cinématographique brut débarrassé de tout artifice superflu. Tout se joue dans les petits détails, les regards, les non-dits. L’inquiétude qui se propage parmi les assistantes de Bernsen se comprend ainsi entre les lignes, laissant lire dans leurs pensées sans que le moindre dialogue n’ait besoin d’être prononcé. Les séquences de suspense fonctionnent bien sûr à plein régime, la phobie du dentiste étant quasi-universelle. Il suffit de quelques gros plans sur les outils triturant les dents, d’effets sonores appropriés, et les nerfs des spectateurs sont soudain mis à rude épreuve. Le fait de savoir que notre dentiste est instable, marqué par l’infidélité de sa femme et sujet à des hallucinations liées à l’infection, décuple l’angoisse ressentie lors de chaque intervention sur un nouveau patient. Lorsque la tension cède la place au gore, le superviseur des effets spéciaux de maquillage Anthony C. Ferrante (futur réalisateur des six opus de la saga Sharknado) fait des merveilles avec le peu d’argent à sa disposition. Il est notamment épaulé par Kevin Yagher (les sagas Freddy et Chucky), qui élabore une bouche surdimensionnée qui sera réadaptée pour chaque séquence, et par Christopher Allen Nelson (créateur de plusieurs zombies pour Le Retour des morts-vivants 3) qui signe un maquillage de faciès édenté particulièrement impressionnant. Au passage, on s’amusera d’apercevoir un tout jeune Mark Ruffalo dans le rôle d’un impresario pour jeunes filles imbu de lui-même. Composée en un week-end seulement, la musique synthétique d’Alan Howarth, en partie inspirée par les travaux de Bernard Herrmann, apporte une touche finale bienvenue à ce qui demeure sans doute l’un des meilleurs films de Brian Yuzna, aux côtés de Society et du Retour des morts-vivants 3.

 

© Gilles Penso



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