THE THEATRE BIZARRE (2012)

Sept réalisateurs s’associent pour livrer leur vision personnelle de l’horreur…

THE THEATRE BIZARRE

 

2012 – USA / CANADA / FRANCE

 

Réalisé par Douglas Buck, Buddy Giovinazzo, David Gregory, Karim Hussain, Jeremy Kasten, Tom Savini et Richard Stanley

 

Avec Udo Kier, Virginia Newcomb, Catriona MacColl, Shane Woodward, Victoria Maurette, Lisa Belle, André Hennicke, Suzan Anbeh, Tom Savini, Debbie Rochon

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I DIABLE ET DÉMONS I TUEURS I RÊVES I MORT I MÉDECINE EN FOLIE I CANNIBALES

C’est en repensant à Au cœur de la nuit, un célèbre film à sketches britannique dirigé conjointement par quatre réalisateurs aux univers bien marqués, que David Gregory imagine un exercice de style voisin réunissant des talents différents et complémentaires. Une autre anthologie lui sert de source d’inspiration : Le Club des monstres de Roy Ward Baker. Avec cette idée en tête, le producteur/réalisateur (spécialisé dans les documentaires sur le cinéma) monte une co-production entre la France (via Métaluna Productions) et les États-Unis (avec Severin Films) et envisage un long-métrage constitué de six segments liés entre eux par un fil rouge. Pour donner corps à ce projet, il s’entoure de Douglas Buck (Sisters), Buddy Giovinazzo (Combat Shock), Karim Hussain (La Belle bête), Jeremy Kasten (Le Sorcier macabre), le génie des maquillages spéciaux Tom Savini (qui réalisa La Nuit des morts-vivants de 1990) et Richard Stanley (dont nous étions sans nouvelles depuis son éviction du tournage de L’Île du docteur Moreau). Chaque réalisateur doit s’astreindre à un budget identique (bien maigre étant donnée la modestie de la production), un planning de tournage de quelques jours et une durée finale n’excédant pas vingt minutes.

Réalisé par Jeremy Kasten, le fil conducteur (« Theatre Guignol ») se déroule dans un théâtre délabré où une jeune femme assiste à une sinistre représentation de comédiens outrageusement maquillés (à moins qu’il ne s’agisse d’automates vivants ?). Leur meneur est incarné par le grand Udo Kier (Du sang pour Dracula) et chaque tableau annonce les segments à venir. Le premier, « The Mother of Toads », est dirigé par Richard Stanley. Disparu des grands écrans depuis Le Souffle du démon, le futur réalisateur de La Couleur tombée du ciel paie déjà son tribut à H.P. Lovecraft mais aussi à son ami et confrère Clark Ashton Smith dont il adapte une des nouvelles macabres. Un jeune couple de touristes américains rencontre dans un village des Pyrénées une étrange femme (Catriona MacColl) qui dit posséder une copie du légendaire ouvrage le Necronomicon… Grâce aux paysages naturelles brumeux, à la photographie de Karim Hussain et au chœur féminin qui hante sa bande originale, ce sketch baigne dans une belle atmosphère envoûtante et trouble s’achevant sur le surgissement d’une créature conçue par le maquilleur David Scherer. « I Love You » de Buddy Giovanizzo change radicalement de cadre. Aux montagnes françaises succède un paysage urbain berlinois. Une femme et un homme se disputent. Elle est Française, il est Allemand, elle veut le quitter… Intéressant à défaut d’être transcendant, ce huis-clos intimiste laisse monter la tension jusqu’à son dénouement choc. « Wet Dreams » de Tom Savini bascule dans le gore outrancier cher aux EC Comics. D’emblée, le ton est donné : un homme est en proie à un terrible cauchemar où il est victime d’une jeune femme ayant des pinces d’insecte géant à la place du vagin ! Savini, qui joue lui-même le rôle d’un psychiatre, ne réfrène aucun effet gore, sous la supervision de l’atelier KNB : écartèlements, émasculations, massacre à la scie circulaire… Dommage que le scénario ne soit pas à la hauteur de ce déferlement d’excès à mi-chemin entre Creepshow et le « torture porn ».

La douche écossaise

C’est à une véritable douche écossaise que nous soumettent les trois derniers sketches. Si « The Accident » de Douglas Buck est un étrange segment mélancolique ceint dans une forêt hivernale où une fillette interroge sa mère sur la mort (un exercice atmosphérique un peu déstabilisant, sans chute ni véritable fil narratif), « Visions Stains » est conçu pour choquer les spectateurs (son réalisateur Karim Hussain n’en est pas à son premier coup d’éclat dans le genre). Son « héroïne » est en effet une paria qui s’en prend à des femmes suicidaires, sans abri ou toxicomanes, et aspire avec une seringue le liquide contenu dans leur œil pour l’injecter dans ses propres yeux et partager leurs visions. Glauque, un peu vain, cet épisode fit beaucoup parler de lui dans la mesure où il provoqua plusieurs malaises durant la projection du film en festival. David Gregory dirige le dernier opus, « Sweets », un délire orgiaque où l’amour démesuré pour la nourriture en général et les sucreries en particulier bascule dans la débauche anthropophage. Pas toujours convaincant d’un point de vue strictement dramatique, The Theatre Bizarre séduit tout de même pour ses audaces, son originalité et son absence de garde-fous, cette liberté de ton rafraîchissante étant l’apanage des productions indépendantes.

 

© Gilles Penso

 

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