FANTÔMES CONTRE FANTÔMES (1996)

Frank, un exorciste, monte une arnaque avec des amis fantômes afin que les gens aient recours à ses services…

THE FRIGHTENERS

 

1996 –  USA / NOUVELLE-ZÉLANDE

 

Réalisé par Peter Jackson

 

Avec Michael J. Fox, Trini Alvarado, Dee Wallace, Jeffery Combs, Jake Busey, John Astin, R. Lee Ermey

 

THEMA FANTÔMES

Fantômes contre fantômes est un tournant dans la carrière de Peter Jackson, puisqu’il s’agit de son premier film produit dans le giron d’un studio. Si ses premiers faits d’armes (Bad Taste, Les Feebles et Braindead) l’avaient intronisé nouveau pape du gore dans la lignée de Sam Raimi, il avait délaissé sang et tripes pour Créatures célestes, reposant sur un fait divers et mettant en scène deux jeunes filles amoureuses dans la Nouvelle-Zélande conservatrice des années 60. Bien que les sujets et styles de ses quatre premières œuvres soient éloignés de la production mainstream, Fantômes contre fantômes en sera néanmoins une synthèse. Suite à la reconnaissance critique de Créatures célestes, Peter Jackson s’envole pour Los Angeles afin de tenter de décrocher un contrat avec un studio. Si l’idée du Seigneur des anneaux lui trotte déjà dans la tête, c’est un remake de King Kong qu’il propose déjà à Universal, mais le film ne verra finalement le jour qu’une dizaine d’années plus tard. Hors de question pour Jackson de rentrer au pays bredouille ! Il revoit ses ambitions à la baisse et propose un script qu’il destine à la série Les Contes de la crypte, produite par Robert Zemeckis. Le courant passe entre les deux hommes et ce dernier aime tellement le traitement proposé par Jackson qu’il lui offre d’en faire un long-métrage avec Michael J. Fox en tête d’affiche. Jackson parvient même à imposer ses termes du contrat : le film se tournera chez lui, en Nouvelle-Zélande, où une partie du budget sera investie dans des ordinateurs dernier cri pour sa société d’effets spéciaux fraichement créée, Weta Digital.

Fantômes contre fantômes met en scène Frank Bannister (Michael J. Fox), un exorciste capable de voir et parler aux fantômes ayant encore des affaires à régler ici-bas avant de s’en aller pour de bon dans l’au-delà. Frank gagne sa vie en montant des arnaques avec trois spectres complices qui s’en vont hanter des maisons en ville en prenant bien soin de laisser trainer la carte de visite de Frank sur place. Mais la comédie tourne court lorsque Frank découvre que la Grande Faucheuse en personne sévit en ville. Pendant ce temps, Lucy (Trini Alvarado), une thérapeute, rend visite à Patricia Bradley (Dee Wallace). Cette femme souffrant de troubles mentaux est l’ancienne partenaire de crime d’un tueur en série local qui passa sur la chaise électrique. Les deux intrigues sont bien évidemment liées…

Le mieux est-il l’ennemi du bien?

L’idée du scénario, signé à quatre mains par Peter Jackson et son épouse Fran Walsh, est née pendant le tournage de Créatures célestes. L’intérêt de Walsh pour les faits divers criminels resurgit dans les deux films, tandis que l’attrait de Jackson pour un Fantastique plus frontal vient ici compléter le tableau. Par ailleurs, il s’agit du dernier scénario original dans leur filmographie, puisque la suite sera constituée d’adaptations et d’un remake. « Original » ne signifie pas « inédit » pour autant, l’histoire empruntant des thèmes et des figures classiques, comme la relation de Dee Wallace et sa mère et le manoir dans lequel elles habitent qui renvoient à Psychose, ou le principe du chasseur de fantôme roublard évoquant les prémices de S.O.S. fantômes. Clins d’œil complices ou filiation naturelle? La familiarité immédiate instaurée par Jackson est à double-tranchant : d’un côté, le film mêle de (trop?) nombreuses intrigues de façon somme toute fluide; d’un autre, l’accumulation de personnages secondaires (les trois amis fantômes de Frank, l’agent déjanté du FBI incarné par Jeffrey Combs, la Patricia dérangée que joue Dee Wallace et même dans une certaine mesure Lucy, dont le veuvage semble vite évacué de l’affaire) nous empêche de trouver un point d’ancrage et crée des ruptures de ton pas toujours heureuses. En s’éparpillant, le film ne fait que diluer chacun de ses éléments. Comme en cuisine : trop de gout tue le gout ! Un souci imputable au fait que le scénario continuait d’être « peaufiné » au cours du tournage ? En partie. Pour Jackson, Fantômes contre fantômes était la carte de visite qui allait décider du reste de sa carrière. Bien que jouissant d’une réelle autonomie sous la houlette de son producteur Robert Zemeckis et tournant loin des exécutifs d’Hollywood, il lui fallait démontrer qu’il pouvait livrer un film de studio. À défaut d’y voir un grand film, Fantômes contre fantômes est un « produit » plus enlevé que la moyenne, même si le résultat a l’air inférieur à la somme de ses éléments constituants (maquillages de Rick Baker, musique de Danny Elfman, Dee Wallace, Jeffrey Combs…). Pour la sortie Laserdic en 1997, Peter Jackson inaugura sa première version longue, un « director’s fun cut » comme il le nomma lui-même, prolongeant le film d’une dizaine de minutes inconséquentes. Mais reprocher à un réalisateur d’avoir voulu trop bien faire, n’est-ce pas après tout un compliment déguisé ?

 

 © Jérôme Muslewski

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