JUMANJI (1995)

Deux enfants découvrent un jeu de société dont chaque lancé de dés déclenche l’irruption d’animaux sauvages…

JUMANJI

 

1995 – USA

 

Réalisé par Joe Johnston

 

Avec Robin Williams, Bonnie Hunt, Kirsten Dunst, Jonathan Hyde, Bebe Neuwirth, David Alan Grier, Bradley Pierce

 

THEMA JOUETS I MAMMIFÈRES I SINGES I ARAIGNÉES I REPTILES ET VOLATILES MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLÈLES

Dire que les effets spéciaux numériques ont changé la face du cinéma à l’aube des années 90 est un euphémisme. Mais bien que Terminator 2 et Jurassic Park soient considérés comme les porte-étendards du changement, l’idée que le numérique puisse tout faire est un mensonge confectionné par les services presse. En réalité, les deux films sus-cités sont le fruit d’un subtil mélange entre effets spéciaux physiques et numériques et présentent en outre des créatures pour lesquelles le public n’a pas ou peu de point de référence dans le monde réel. Aussi, lorsque Columbia Tristar décide dès 1993 de prendre le train en marche pour proposer un spectacle exploitant les images de synthèse, le choix du livre pour enfants “Jumanji”, dans lequel des animaux de la jungle sèment la pagaille en ville, représente un défi technique de taille : non seulement ces animaux doivent évoluer dans des conditions diurnes, mais il s’agit en plus d’espèces dont le public est familier (éléphants, singes, crocodiles, girafes et araignées) contrairement aux espèces éteintes du parc jurassique. C’est d’ailleurs encore une fois Industrial Light & Magic qui décroche le contrat, la compagnie de George Lucas ne souffrant encore d’aucune autre concurrence que sa propre volonté de se surpasser film après film. Les effets spéciaux étant au cœur du récit, la réalisation est confiée à un expert en la matière : Joe Johnston. Alumni d’ILM où il œuvra en tant que directeur artistique et storyboarder à ses débuts, il vient aussi de passer avec succès à la mise en scène avec Chérie j’ai rétréci les gosses et Rocketeer.

Jumanji adapte donc un livre pour enfant d’une petite trentaine de pages, écrit et illustré par Chris Van Allsburg, auteur prolifique à qui l’on doit aussi Le Pôle Express. Les droits sont achetés dès 1984 mais le projet stagne en raison du cauchemar logistique que représenterait la perspective d’employer de vrais animaux. Après l’ouragan Jurassic Park, la production commande un nouveau scénario à Jonathan Hensleigh (qui signera plus tard Une journée en enfer et officiera sur plusieurs productions Bruckheimer) afin d’étoffer l’histoire. Allsburg raconte avant tout l’ennui éprouvé par deux enfants passant l’après-midi seuls à la maison, tuant le temps en jouant à Jumanji, une variante du jeu de l’oie version safari… jusqu’à ce que les animaux de la savane et autres contrées exotiques « sortent » du jeu et sèment le chaos dans la maison. Au retour des parents, la maison est intacte, toutes les péripéties étant le fruit de l’imagination des enfants. Dans le film, en revanche, les dégâts sont tangibles et le scénario se montre surtout moins linéaire, Joe Johnston ne voulant pas d’un simple enchainement mécanique de séquences à effets sans enjeu ni progression narrative. Le scénario de Jumanji adopte ainsi une structure assez déroutante : le film débute dans les années 60 avec le jeune Alan Parrish, un fils de bonne famille prisonnier du carcan familial. Il découvre la boite du jeu du titre et commence une partie avec son amie Sarah. Après un premier lancé de dé provoquant l’irruption de chauve-souris dans le salon, Alan est aspiré dans le jeu. Ce prologue dure vingt bonnes minutes avant d’introduire de nouveaux personnages : Judy (Kirsten Dunst) et son frère Peter (Bradley Pierce), emménageant trente ans plus tard avec leur tante dans la maison des Parrish. En explorant cette grande demeure, ils découvrent à leur tour la boite de jeu et, malgré eux, réussissent à libérer Alan qui a désormais les traits de Robin Williams. Alan et les enfants se voient obligés de finir la partie s’ils veulent que Jumanji les laissent en paix. Les enjeux sont donc doubles, Alan cherchant à retrouver sa vie là où il l’avait laissée, et Judy et Peter vivant l’aventure comme un rite initiatique suite à la mort de leurs parents…

 Des effets spéciaux au poil ?

Appliquant la méthode éprouvée d’ILM, Joe Johnston mêle plusieurs techniques en fonction des scènes… Mais parlons d’emblée du sujet qui fâche : les singes ! Le rendu approximatif du pelage, leur animation saccadée et leurs incrustations douteuses les réduisent à des pantins numériques à l’allure assez rudimentaires. Pour le reste, éléphants et autres animaux imberbes sont tout à fait convaincants. Si la modélisation et la texture ont pris un petit coup de vieux, l’animation parvient encore à « vendre » l’effet. C’est cette dimension artistique qui faisait la force d’ILM par rapport à la concurrence de l’époque. Cela dit, l’usage des images de synthèse reste parcimonieux. Pour les gros plans et scènes tournées en studio, c’est le duo Alec Gillis/Tom Woodruff Jr (Alien 3) qui confectionne lion, plante carnivore géante, alligator mécanique et araignées géantes. Finalement, l’effet spécial le moins visible demeure l’étonnante sobriété de Robin Williams. Alors au zénith de sa popularité après avoir assuré le doublage du génie d’Aladdin et singé Tootsie dans Madame Doubtfire, l’acteur habituellement survolté ne tire pas la couverture à lui et laisse à Bonnie Hunt et leurs jeunes compagnons de l’espace à l’écran. Mieux, il parvient à conjuguer deux facettes récurrentes de sa filmographie : l’homme-enfant et le mentor. Car si Alan a le corps d’un quadragénaire, il reste aussi le petit garçon de 12 ans qu’il était lors de sa disparition. Williams fait grandir Alan au fil du film, jusqu’à se comporter avec Peter comme la figure paternelle sévère et intransigeante qu’était son propre père. A ce sujet, c’est Jonathan Hyde qui incarne le double-rôle de M. Parrish et du chasseur Van Pelt, afin d’appuyer la dimension psychanalytique du personnage. Le succès et la popularité de Jumanji donneront lieu à plusieurs projets dérivés : une série animée anecdotique (1996 -1999), une simili-suite avec Zathura et le très sympathique remake de 2017, Jumanji : Bienvenue dans la jungle (et sa suite moins inspirée), qui parvient à ne pas singer le film original de façon pachydermique, glissant même un petit clin d’œil en hommage au regretté Robin Williams.

 

 © Jérôme Muslewski

 

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