LES FURIES (1975)

Un jeune homme s’installe momentanément dans une communauté rurale habitée par quatre femmes étranges…

MIJN NACHTEN MET SUSAN, OLGA, ALBERT, JULIE, PIET & SANDRA

 

1975 – HOLLANDE

 

Réalisé par Pim de la Parra

 

Avec Willeke van Ammerlrooy, Hans van der Gragt, Nelly Frijda, Jerry Brouer, Franulka Heyermans, Marja de Heer, Serge-Henri Valcke, Marieke van Leeuwen

 

THEMA TUEURS

Personnalités clés du cinéma d’exploitation hollandais des années 60 et 70, Pim de la Parra et Wim Verstappen ont fondé la compagnie Scorpio Film en se répartissant à tour de rôle les postes de réalisateur et de producteur. Nous leur devons notamment le drame voyeuriste Obsessions (aucun lien avec celui de Brian de Palma, même si le compositeur est aussi Bernard Herrmann), co-écrit par un Martin Scorsese encore inconnu, la chronique trouble Les Affamées, le chassé-croisé romantique Scènes de la vie amoureuse d’un couple, le sulfureux Alicia et cet inclassable Les Furies. À mi-chemin entre le film érotique, le film d’horreur, le thriller et le drame psychologique, ce long-métrage curieux ne se réclame pourtant d’aucun de ces genres en particulier, son titre original à rallonge alignant le prénom de tous les protagonistes entre lesquels va se nouer l’intrigue. Le ton est donné dès l’entame, malgré un générique faussement paisible s’attardant sur des cygnes flottant sur l’eau tranquille d’un lac. Deux séduisantes jeunes femmes en robe courte et minishort aguichent un automobiliste qui emprunte une petite route bucolique. Celui-ci – un Américain caricatural en décapotable, avec cigare, whisky et lunettes de soleil – se laisse attirer par le duo affriolant, mais la partie de jambes en l’air tourne court lorsque l’une d’entre elles lui fracasse le crâne avec une bouteille. Toutes guillerettes, les deux furies abandonnent le cadavre et la voiture en pleine campagne puis regagnent sereinement leurs pénates.

Le film s’intéresse alors à Anton (Hans van der Gragt), un beau motard blond et musclé qui fait escale dans une grande ferme délabrée, à la recherche d’une certaine Susan (Willeke van Ammelrooy). Celle-ci, ancien mannequin de mode, est sollicitée pour une séance photo sur la Côte d’Azur. Mais Susan a décidé de se retirer loin de ce monde artificiel pour une vie plus simple en pleine nature. Anton pourrait reprendre la route et rentrer bredouille. Mais le lieu l’intrigue et l’incite à rester séjourner quelques jours. Il n’est bien sûr pas insensible aux charmes de Susan. Or celle-ci ne vit pas seule. Les lieux sont aussi occupés par Julie (Marieke van Leeuwen), qui passe le plus clair de son temps à dormir, ainsi que par Sandra et Olga (Marja de Heer et Franulka Heyermans), les deux meurtrières nymphomanes du prologue. Pour ajouter encore une note d’étrangeté, une autre personne habite les murs : Albert (Serge-Henri Valcke), un homme atteint d’agoraphobie qui vit cloitré dans un placard, éclairé par une sinistre ampoule rouge. Ce tableau déjà bien chargé se complète de Piet (Nelly Fridja), une voisine muette et déséquilibrée qui erre dans les parages en collectant dans sa cahute tous ce que Sandra et Olga délaissent après leurs forfaits : objets, vêtements et même cadavres !

La chair et le sang

Malgré son ambiance poisseuse et délétère, Les Furies est sans cesse en quête d’un certain esthétisme, notamment à travers une photographie en Technicolor et Cinémascope signée Marc Felperlaan (futur collaborateur de Dick Maas), aux accents d’une bande originale lugubre d’Elisabeth Lutyens (habituée aux productions Hammer et Amicus). Sans la moindre retenue, Pim de la Parra étale la chair de ses protagonistes en accumulant des séquences de coucherie et de nudité qui permettent au film de gagner ses galons d’œuvre à scandale. Mais le malaise, la violence et le macabre ne sont jamais loin, en un cocktail déstabilisant qui n’est pas sans annoncer certaines composantes du cinéma de Paul Verhoeven. Pour autant, Les Furies ne parvient jamais à se dépouiller de son caractère anecdotique. Cette galerie de personnages insolites méritait mieux qu’un simple enchaînement de saynètes insignifiantes. Le voyeur agoraphobe, la voisine dépenaillée, l’hôte distante, la belle endormie restent donc en retrait, tout comme ce héros masculin désespérément insipide. Seules Sandra et Olga égaient un peu le métrage par leur approche frontale des instincts les plus primaires, hors de toutes considérations morales ou éthiques. On s’étonne d’autant plus de voir cinq noms crédités pour l’écriture du scénario, parmi lesquels celui du cinéaste belge Harry Kümel, auteur des Lèvres rouges et de Malpertuis.

 

© Gilles Penso



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