GIALLO (2009)

Dario Argento revient à ses premières amours avec un récit à rebondissements où s’entremêlent les codes du film policier et du cinéma d’horreur…

GIALLO

 

2009 – ITALIE / USA

 

Réalisé par Dario Argento

 

Avec Adrien Brody, Emmanuelle Seigner, Elsa Pataky, Robert Miano, Valentina Izumi, Sato Oi, Luis Molteni, Taiyo Yamanouchi

 

THEMA TUEURS I SAGA DARIO ARGENTO

Dario Argento a toujours aimé les fausses pistes et les faux semblants. La plupart des scénarios de ses films s’appuient d’ailleurs sur les apparences mensongères. Parfois, ce sont les titres eux-mêmes qui sont trompeurs. On se souvient qu’à l’époque de Ténèbres, il prenait tout le monde par surprise, laissant croire que son huitième long-métrage était l’ultime volet de la trilogie des « Trois Mères » consacré cette fois-ci à « Mater Tenebrarum », alors qu’il s’agissait en réalité d’un slasher opératique sans rapport avec les deux films précédents. Giallo procède un peu de la même manière. Contrairement à ce qu’annonce son titre, les codes et l’esthétique habituellement associés à ce sous-genre italien aux frontières du film d’horreur et du film policier ne sont pas respectés. Le visage du tueur nous est d’ailleurs révélé à mi-parcours. Et c’est justement la peau de cet assassin, jaunâtre, qui justifie le titre (puisque « giallo » signifie jaune). Une fois n’est pas coutume, le film n’est pas écrit par Argento lui-même mais par deux auteurs qui le rédigent sur mesure pour lui, Jim Agnew (Game of Death, Dangereuse attraction) et Sean Keller (Mammouth, Kraken, L’Attaque du griffon). Le cinéaste y ajoute ensuite son grain de sel pour mieux se l’approprier. Initialement, les deux protagonistes devaient être interprétés par Asia Argento et Ray Liotta. Mais la fille de Dario doit céder sa place à cause de sa grossesse. Elle sera remplacée par Emmanuelle Seigner. Quant à Liotta, il quitte finalement le film au profit d’Adrien Brody.

Un tueur mystérieux qui se fait passer pour un chauffeur de taxi choisit avec attention des passagères qu’il repère dans les rues de Rome. Ce sont obligatoirement de jolies jeunes femmes, de préférence sans attache. Une fois qu’il les embarque dans sa voiture, c’est pour un voyage sans retour. Kidnappées et séquestrées dans un repaire sinistre et isolé, elles sont mutilées, photographiées puis assassinées. Sa nouvelle victime est Céline (Elsa Pataky), mannequin français de passage en Italie. Lorsqu’elle disparaît sans laisser de trace, sa sœur Linda (Emmanuelle Seigner) prévient immédiatement la police et rencontre l’inspecteur Avolfi (Adrien Brody). Cet homme solitaire, visiblement spécialisé dans les tueurs en série, va s’efforcer de retrouver Céline avant qu’il ne soit trop tard…

Taxi Driver

L’idée que n’importe qui puisse être victime d’un chauffeur de taxi psychopathe est intéressante et aurait pu servir de support à un récit d’épouvante efficace. Mais ce ressort dramatique n’est finalement qu’ébauché, l’intrigue se scindant ensuite en deux parties distinctes : l’enquête policière et les méfaits du psychopathe. Maquillé par l’équipe de Sergio Stivaletti, le tueur frappé de jaunisse sait susciter le malaise par son comportement déviant. Une tétine à la bouche, il regarde amoureusement les photos des filles qu’il a défigurées et se masturbe devant ce spectacle en gémissant. Argento n’oublie pas de réserver aux spectateurs quelques moments fugaces d’ultra-violence. Car les victimes passent généralement un mauvais quart d’heure et finissent en sale état. Comme souvent chez le cinéaste, ce sont des traumatismes d’enfance qui sous-tendent le comportement des protagonistes. À vrai dire, la plus grosse faiblesse de Giallo repose sur son traitement de l’enquête. Le personnage de cet inspecteur de police obsédé par le tueur au point de vivre jour et nuit dans son bureau à l’écart des autres n’a pas une once de crédibilité, pas plus que sa manière de suivre une piste, de réagir face aux cadavres ou d’appréhender les indices et les pièces à conviction. Le fait qu’il se laisse accompagner pas à pas par la sœur d’une des victimes pendant qu’il mène l’enquête est tout autant absurde et nuit gravement au film, qui se suit d’un œil distrait et sans beaucoup de passion. Coincé entre un Mother of Tears et un Dracula n’ayant pas convaincu grand-monde, Giallo est donc une œuvrette anecdotique qui fit plus parler d’elle à cause des conflits entre Adrien Brody et la production – laquelle tarda beaucoup à lui verser le salaire promis – que pour ses qualités somme toute assez limitées.

 

© Gilles Penso

 

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