LE VAISSEAU DE L’ANGOISSE (2002)

Une équipe de chasseurs d’épaves découvre la carcasse d’un paquebot de luxe porté disparu depuis quarante ans…

GHOST SHIP

 

2002 – USA / AUSTRALIE

 

Réalisé par Steve Beck

 

Avec Julianna Margulies, Gabriel Byrne, Ron Eldard, Desmond Harrington, Isaiah Washington, Karl Urban, Emily Browning, Alex Dimitriades, Francesca Rettondini

 

THEMA FANTÔMES

Jusqu’à présent, les films d’horreur produits par Dark Castle Entertainment étaient des remakes de séries B réalisées par William Castle dans les années 50-60 (La Maison de l’horreur, 13 fantômes). Le Vaisseau de l’angoisse fait donc un peu figure d’exception, dans la mesure où pour une fois le scénario est original. Pour autant, il fallait tout de même quelques éléments familiers dans le but de rassurer les investisseurs. Le film est donc vendu comme un croisement entre Titanic et Shining. La première idée est d’en faire un film d’épouvante psychologique s’appuyant bien plus sur le tourment de ses personnages – dévorés de l’intérieur par la cupidité – que sur les scènes choc et les effets gore. Mais Joel Silver, co-fondateur avec Robert Zemeckis de Dark Castle Entertainment et co-producteur du film, n’est pas très satisfait par cette approche. Il fait donc entièrement remanier le scénario afin d’obtenir quelque chose de plus spectaculaire. C’est en arrivant sur le plateau de tournage en Australie que les comédiens découvrent la nouvelle mouture du script. Autant dire qu’ils tombent de haut, notamment Juliana Margulies, regrettant aussitôt amèrement d’avoir accepté de jouer dans le film. À la mise en scène, on trouve Steve Beck, qui avait fait ses premières armes de réalisateur sur 13 fantômes après avoir été directeur artistique des effets visuels d’Indiana Jones et la dernière croisade, Abyss et À la poursuite d’octobre rouge, excusez du peu !

Tout commence de manière très idyllique, sur une musique rétro qui laisse presque imaginer que le film date du début des années 60. Même le grain de l’image et le vieux logo Warner entretiennent l’illusion. À bord d’un paquebot qu’on croirait échappé de La Croisière s’amuse se déroule un grand bal mondain. Une chanteuse en robe de soirée écarlate susurre la valse sentimentale « Senza fine », les couples dansent en tenue de gala, le champagne coule à flots, bref le tableau est idyllique. Soudain, un câble en acier se détache sans crier gare et traverse la salle de bal à toute vitesse, happant tous les danseurs de plein fouet. Les têtes tombent, les troncs se détachent, les bras quittent les corps. Bientôt, un abominable puzzle humain jonche la piste de danse. Seule une fillette échappe par miracle au massacre. La qualité des effets spéciaux et l’efficacité de la mise en scène font de ce gag macabre un véritable morceau d’anthologie, souvent cité comme l’un des meilleurs prologues de l’histoire du cinéma d’horreur. Puis l’intrigue se transporte de nos jours, à bord du remorqueur Arctic Warrior spécialisé dans le renflouement des épaves en haute mer. Après une mission épuisante, le petit équipage envisage de prendre un peu de repos. Mais un pilote d’avion leur annonce avoir repéré l’épave flottante d’un gigantesque bateau abandonné dans la mer de Béring. Flairant une bonne affaire, les chasseurs d’épave se dirigent vers le navire et découvrent qu’il s’agit de l’Antonia Graza, un paquebot de luxe italien disparu le 21 mai 1962 avec son équipage et 600 passagers…

La croisière, ça use !

Comme on pouvait l’imaginer, l’épave du palace flottant se transforme bientôt en train fantôme, assumant sans rougir l’influence forte de Shining : les apparitions de la petite fille, le sang qui coule sur les murs, la grande salle de bal, le surgissement des figures du passé, le fantôme qui sert à boire à notre héros enivré, la jolie spectre impudique qui n’est en réalité qu’un cadavre décomposé… Le Vaisseau de l’angoisse tire malgré tout son épingle du jeu grâce à une mise en scène extrêmement soignée, ponctuée de séquences impressionnantes (le navire fantôme qui apparaît soudain au milieu de l’océan nocturne), et à son casting solide : le toujours charismatique Gabriel Byrne, Julianna Margulies (héroïne récurrente d’Urgences), Karl Urban (qui jouait la même année Eomer dans Le Seigneur des anneaux), Desmond Harrington (futur flic de la série Dexter), tous donnent de leur personne et parviennent à doter d’épaisseur des personnages que les péripéties elles-mêmes auraient pu cantonner au simple rôle de chair à pâté. Comme on pouvait le craindre, Le Vaisseau de l’angoisse ne retrouve jamais l’intensité de sa scène d’introduction, se contentant la plupart du temps d’accumuler les lieux communs du film classique de maison hantée. Mais Steve Beck multiplie les morceaux de bravoure et les idées visuelles audacieuses, jusqu’à un impressionnant flash-back révélateur en dernière partie de métrage, agrémenté des maquillages spéciaux conçus conjointement par les ateliers de KNB et JMB. Bizarrement, Beck arrêtera sa carrière de réalisateur après Le Vaisseau de l’angoisse et se retirera du business.

 

© Gilles Penso

 

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