DAYBREAKERS (2009)

Que se passerait-il si les vampires étaient devenus l’espèce dominante de la société et si les humains n’étaient plus qu’un gibier en cavale ?

DAYBREAKERS

 

2009 – USA / AUSTRALIE

 

Réalisé par Michael et Peter Spierig

 

Avec Ethan Hawke, Willem Dafoe, Sam Neill, Claudia Karvan, Michael Dorman, Isabel Lucas, Vince Colosimo, Jay Laga’aia

 

THEMA VAMPIRES

Le premier long-métrage des frères Spierig, Undead, était une tentative originale mais un peu maladroite de renouveler le motif des zombies en s’appuyant sur un argument de science-fiction. Six ans plus tard, les duettistes australiens mettent enfin sur pied leur deuxième film, qui s’attaque cette fois-ci au mythe des vampires. Si ce thème classique de l’épouvante est une fois de plus abordé sous l’angle de la SF, les Spierig ont la bonne idée d’oublier l’humour potache de leur essai précédent pour affronter leur sujet au premier degré. Le scénario de Daybreakers circulait depuis longtemps à Hollywood, et le studio Lionsgate en fit l’acquisition dès 2004. Mais le montage financier et la réunion d’un budget suffisant (estimé à 21 millions de dollars) ne fut pas simple. Avec des moyens bien plus conséquents que sur Undead (qui avait coûté environ quatre millions de dollars), les deux frères ont les moyens de reconstituer une mégalopole futuriste et de solliciter les artistes du Weta Workshop, en charge de créer les différentes créatures du film. Partagés entre l’envie d’aborder les monstres sous un jour classique (hérité de Nosferatu) et celle de les moderniser, les Spierig évacuent les designs les plus spectaculaires pour revenir à une approche plus minimaliste. Car malgré l’extravagance apparente du concept de Daybreakers, l’un des mots d’ordres majeurs du film est le réalisme.

Nous sommes en 2019, et le monde a été frappé par une pandémie incontrôlable communiquée aux hommes par des chauves-souris. Rétrospectivement, on ne peut s’empêcher de souligner l’ironie involontaire de ce postulat, au regard de l’épidémie bien réelle du Covid-19. Dans le cas de Daybreakers, ce n’est pas un coronavirus qui a frappé la planète mais la maladie du vampirisme. La contamination fut si rapide que désormais la grande majorité de la population est friande d’hémoglobine. Toutes les sociétés du monde se sont réorganisées en ce sens, traquant les humains – devenus minoritaires et marginalisés – pour alimenter les banques du sang. Dans ce monde alternatif fort inquiétant, le docteur Edward Dalton (Ethan Hawke), hématologue, s’efforce de lutter contre la pénurie imminente de sang humain en cherchant un substitut de synthèse. La situation est d’autant plus urgente que les vampires privés de sang régressent physiquement jusqu’à se muer en créatures hybrides sauvages tenant plus de la chauve-souris que de l’homme. Alors que ses recherches stagnent, Edward croise la route d’un groupe de rebelles humains qui semblent posséder un remède contre le vampirisme…

Mauvais sang

Cette fascinante relecture d’un thème qu’on croyait avoir déjà vu décliné sous toutes ses formes offre la particularité d’inverser les codes établis. Le vampire étant devenu l’espèce dominante, nous découvrons un monde rétro-futuriste où les modes vestimentaires évoquent les années cinquante et où les activités des cités se déroulent en pleine nuit – ce qui n’est pas sans rappeler l’imagerie de Dark City. Michael et Peter Spierig s’amusent alors à réinventer notre quotidien : les employés de bureau se pressent au coffee shop pour une bonne rasade de café à l’hémoglobine, les yeux brillent dans les couloirs du métro, les reflets des automobilistes n’apparaissent pas dans leurs rétroviseurs… La présence d’une rébellion humaine et des « Subsides » (des créatures primitives vouées au cannibalisme) induit des séquences d’action originales (l’attaque du héros dans sa propre maison, la poursuite automobile dans la forêt, la fusillade nocturne en plein air, le grand massacre final). À ces séquences mouvementées s’ajoutent une rivalité fraternelle complexe et une tension sans issue entre un père et sa fille, les familles s’entredéchirant sur fond de conflit moral. Car en devenant vampires, les humains ne font que reproduire leurs travers initiaux, attirés dans leur grande majorité par le profit personnel et l’exploitation du plus faible. Point d’orgue de ce récit riche en rebondissements, l’allégorie du Phénix permet d’espérer une sorte de brasier symbolique purificateur. Ravi de cette expérience hors-norme, Ethan Hawke retrouvera les frères Spierig pour leur long-métrage suivant, Prédestination.

 

© Gilles Penso


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