LIZA THE FOX-FAIRY (2015)

Une infirmière de trente ans est victime d’une étrange malédiction qui voit mourir tous ses prétendants dès le premier rendez-vous…

LIZA, A ROKATÜNDER

 

2015 – HONGRIE

 

Réalisé par Karoly Ujj Meszaros

 

Avec Monika Balsai, David Sakurai, Szabolcs Bede-Fazekas, Piroska Molnar, Zoltan Schmied, Antal Cserna, Gabor Reviczky, Mariann Kocsis, Agi Gubik, Lehl Kovacs

 

THEMA FANTÔMES I MORT

C’est la pièce de théâtre « Liselotte és a május » (« Liselotte au mois de mai »), écrite par l’auteur hongrois Zsolt Pozsgai, qui sert d’inspiration au scénario de Liza the Fox-Fairy. L’œuvre originale, montée sur scène un peu partout dans le monde, présente la particularité de mettre en scène une trentenaire incapable de rencontrer l’amour dans la mesure où chacun de ses prétendants (sept au total, tous interprétés par le même comédien) meurt lors du premier rendez-vous. Trouvant dans cette pièce la matière idéale pour nourrir un long-métrage singulier, mélange de comédie romantique et de fable fantastique extravagante, le cinéaste Karoly Ujj Meszaros y injecte sa propre sensibilité, et notamment un goût particulier pour la culture japonaise (non seulement le folklore ancestral traditionnel mais aussi la musique pop nippone des années 60 et 70). Séduite par le concept, la compagnie FilmTeam finance le film, à hauteur d’un budget raisonnable équivalent environ à un million et demi de dollars américains. Confiant, le réalisateur s’appuie sur des astuces de mise en scène, un nombre limité de décors et des acteurs choisis avec soin qu’il fait répéter pendant un mois avant que ne commence le tournage.

Nous sommes dans une Hongrie imaginaire des années 70, régie par un système capitaliste calqué sur le modèle américain. Liza (Monika Balsai) est une infirmière de trente ans, naïve et solitaire. Voilà douze ans qu’elle prend soin de Marta (Piroska Molnar), la veuve de l’ancien ambassadeur du Japon. Son seul ami est Tomy Tani (David Sakurai), le fantôme d’un chanteur pop japonais des années cinquante qui ne chante que pour elle et se déhanche comme Elvis, le micro à la main, le sourire éclatant, le cheveu gominé et le costume impeccable. Mais ce spectre n’est affable qu’en apparence. Pris d’une jalousie maladive, il fait passer de vie à trépas tous ceux qui pourraient gâcher la relation exclusive qu’il a avec Liza. Ainsi, alors qu’elle se rend dans un fast-food le jour de son anniversaire en espérant y rencontrer le grand amour, Tomy provoque la mort de la vieille Marta. Liza hérite alors de l’appartement, ce qui provoque la colère de la famille cupide de la défunte. Dès lors, chaque fois qu’un homme s’intéresse à elle, il passe aussitôt l’arme à gauche. Le sergent de police Zoltan (Szabolcs Bede-Fazekas) est chargé d’enquêter sur cette femme soupçonnée d’agir comme une meurtrière en série. Si Liza n’a rien d’une mante religieuse, elle est bien consciente qu’un étrange mal s’acharne autour d’elle. Et si elle était victime de la malédiction des « femmes renards », ces créatures de la mythologie japonaise condamnées à voir mourir tous les hommes qui tombent amoureux d’elles ?

 

Femme fatale

Liza the Fox-Fairy se visionne comme on prend un bol d’air. Son ambiance acidulée gorgée de fraîcheur, son style qui ne ressemble à rien de connu (même si l’on peut parfois être tenté de faire un rapprochement avec Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain), sa tonalité insolite toujours légère malgré la gravité de certaines situations, toutes ces choses échappant aux sentiers battus emportent immédiatement l’adhésion. Le caractère « film d’époque » n’est jamais ostentatoire. Certes, la colorimétrie, les tenues vestimentaires et les coupes de cheveux évoquent les seventies. Mais le conte reste atemporel, constellé de discrets mais très efficaces effets visuels empreints de poésie. Partisan d’un humour volontiers absurde, Karoly Ujj Meszaros nous offre une galerie de prétendants tous plus grotesques les uns que les autres (le glouton, le timide maladif), transforme son sergent de police en émule de Buster Keaton victime imperturbable d’accidents de plus en plus spectaculaires, tapisse progressivement la moquette de l’appartement de Liza d’un nombre croissant de silhouettes au ruban adhésif évoquant les victimes y ayant péri, bref nous transporte dans un univers joyeusement décalé. D’autant que l’infortunée protagoniste conserve sans cesse son innocence et sa candeur malgré l’avalanche de cadavres qui tombent comme des mouches autour d’elle… Cette jolie surprise est hélas passée un peu inaperçue. C’est le lot des œuvres atypiques refusant résolument d’entrer dans les cases.

 

© Gilles Penso


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