LE FANTÔME DE L’OPÉRA (1962)

Cette version Hammer du célèbre roman de Gaston Leroux peine à rivaliser avec les adaptations précédentes produites par Universal…

THE PHANTOM OF THE OPERA

 

1962 – GB

 

Réalisé par Terence Fisher

 

Avec Herbert Lom, Heather Sears, Thorley Walters, Michael Gough, Edward de Souza, Miles Malleson

 

THEMA SUPER-VILAINS

Le projet de cette version britannique du roman de Gaston Leroux, produite par la fameuse compagnie Hammer, est annoncé officiellement au début de l’année 1959. Christopher Lee est d’abord pressenti pour jouer le Fantôme, mais l’interprète de Dracula est surchargé par une série de tournages le sollicitant en Europe. Le producteur Anthony Hinds envisage alors Cary Grant dans le rôle, la coutume étant à l’époque d’intégrer dans des productions anglaises des guest-stars américaines. Mais c’est finalement Herbert Lom qui hérite du personnage. Le scénario d’Anthony Hinds relocalise l’intrigue en Grande-Bretagne, rebaptise les protagonistes et prend un certain nombre de libertés avec le roman. Pour compenser un budget modeste de 400 000 livres (plus important que la majorité des productions Hammer mais faible au regard du spectacle proposé), Anthony Hinds et Terence Fisher installent leurs caméras dans le théâtre de Wimbledon pour figurer l’Opéra de Londres et engagent une centaine de musiciens à un prix raisonnable. Le reste des décors est reconstitué dans les studios Bray. 

Les représentations d’un opéra de Lord Ambrose d’Arcy (Michael Gough) dans l’Opéra de Londres sont perturbées par un mystérieux inconnu, le Fantôme. Il s’agit en réalité du professeur Petrie, véritable compositeur de l’œuvre, que tout le monde croit mort, et dont le travail a été volé sans scrupule. Défiguré, portant un masque, il vit dans un repaire souterrain sous l’Opéra où il joue de longs solos d’orgue (à l’instar du capitaine Nemo qu’Herbert Lom campa l’année précédente dans L’Île mystérieuse). Bientôt, il tombe amoureux de la nouvelle vedette Christine Charles (Heather Sears) et s’emploie à lui donner clandestinement des cours de chant pour qu’elle puisse servir du mieux qu’elle le peut son œuvre. « Je vais te donner une nouvelle voix, une voix si merveilleuse que les théâtres du monde entier seront emplis de tes admirateurs », dit-il à la jeune fille. « Tu seras la chanteuse d’opéra le plus célèbre de tous les temps… Et lorsque tu chanteras, Christine, ce ne sera que pour moi ». Par sa reconstitution colorée de la belle époque et par certains éléments de son scénario (l’artiste dépossédé et défiguré dans un incendie, qui passe pour mort, et revient hanter les lieux), le film évoque L’Homme au masque de cire d’André de Toth. Moins terrifiant que la plupart des autres incarnations du personnage, ce Fantôme cultive une certaine mélancolie qui sollicite souvent l’empathie du spectateur. Le principe narratif utilisé ici consiste en premier lieu à décrire les méfaits du Fantôme, puis à le présenter peu à peu au spectateur, jusqu’au flash-back final, tout en cadrages obliques et en ellipses nerveuses. 

Le masque du démiurge

Avant le dénouement, Terence Fisher nous offre de larges extraits de l’opéra « Jeanne d’Arc » interprété par Heather Sears, qui ne manque pas de charme mais ne possède pas la beauté exotique de la plupart des vedettes de la Hammer. Dommage par ailleurs que le pourtant talentueux Herbert Lom manque singulièrement de panache et de prestance sous le masque du Fantôme. Sa relation avec Christine demeure ambiguë tout au long du film, comme s’il était finalement plus motivé par son intérêt propre (la reconnaissance de son œuvre) que par les sentiments qu’il éprouve pour la jeune soprano. Un peu entravé dans son élan par un scénario qui ne le convainc pas pleinement, Terence Fisher peine de fait à doter ses personnages de toute la consistance requise. Le masque lui-même, élément visuel capital, s’avère franchement disgracieux. Le maquilleur Roy Ashton n’est pas en cause, dans la mesure où les producteurs reportent indéfiniment leur décision sur le look définitif de ce masque. En désespoir de cause, Ashton est quasiment obligé d’improviser la fabrication de cet accessoire à la dernière minute. Malgré ses nombreuses qualités, ce Fantôme de l’Opéra britannique n’atteint donc jamais la maîtrise artistique de ses prestigieux prédécesseurs produits par la Hammer (Frankenstein s’est échappé, Le Cauchemar de Dracula, La Malédiction des Pharaons) et l’accueil critique s’avère assez mitigé. Aucune suite directe ne lui sera d’ailleurs donnée.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article