LA REVANCHE DE L’HOMME INVISIBLE (1944)

John Carradine incarne un savant illuminé expérimentant sa formule d’invisibilité sur un gangster lancé dans une vendetta…

INVISIBLE MAN’S REVENGE

 

1944 – USA

 

Réalisé par Ford Beebe

 

Avec John Hall, Leon Errol, John Carradine, Alan Curtis, Evelyn Ankers, Gale Sondergaard, Lester Matthews, Hallwell Hobbes

 

THEMA HOMMES INVISIBLES I SAGA UNIVERSAL MONSTERS

Héros de L’Homme invisible contre la gestapo, John Hall est de retour dans La Revanche de l’homme invisible, mais son personnage n’a rien à voir avec l’espion précédent et le ton n’est plus vraiment à la gaudriole. Il incarne ici Robert Griffin (un patronyme d’autant plus étrange qu’il n’a aucun lien avec les savants précédents). Laissé pour mort au cours d’une expédition en Afrique, il est recherché par la police, suite à son évasion sanglante d’un hôpital psychiatrique, et revient à Londres cinq ans plus tard pour réclamer auprès de ses anciens associés, Jasper et Irene Herrick (Lester Matthews et Gale Sondergaard), la moitié de la fortune en diamants qui lui revient. Jeté à la rue sans ménagement, il est recueilli un soir d’orage par le docteur Peter Drury, interprété par un John Carradine au sommet de sa forme. Celui-ci vit entouré d’animaux invisibles et déclare à son invité : « dans cette maison, vous devez croire à ce que vous ne pouvez voir. » Griffin accepte de devenir le premier cobaye humain de Drury, qui reprend presque des extraits littéraux du livre de Wells pour expliquer le principe de l’invisibilité.

Une fois que l’expérience s’avère être une réussite totale, la divergence d’objectif des deux hommes se fait clairement sentir. Car si le scientifique espère profiter de son invention pour accéder au statut d’« immortel » auprès de Galilée, Copernic et Darwin, le fugitif entend bien utiliser son invisibilité pour une croisade toute personnelle. Le soir même, il rend donc visite à Jasper, exigeant non seulement l’intégralité de sa fortune mais aussi sa fille Julie (Evelyn Ankers). Le roi des effets spéciaux John P. Fulton nous offre alors une « vision » inédite et effrayante : le visage et la main de Griffin rendus partiellement visibles par l’eau d’un aquarium, idée déclinée ensuite avec bonheur lorsque notre protagoniste applique de la farine sur sa figure pour la rendre perceptible. Ces habiles innovations visuelles serviront d’inspiration aux effets spéciaux révolutionnaires de L’Homme sans ombre bien des décennies plus tard.

En quête de sang frais

Dès lors, notre homme invisible adopte le look classique en vigueur (bandages, lunettes noires, grand manteau et chapeau), tandis que le scénario de Bertram Millhauser (un auteur spécialisé dans les films de détectives qui remplace ici Curt Siodmak) semble patiner quelque peu, s’attardant par exemple sur une partie de fléchettes dans un pub – amusante certes, mais ne permettant aucunement à l’intrigue d’avancer. Le final du Retour de l’homme invisible ayant fourni en 1940 une solution pour rendre leur limpidité aux hommes invisibles (la transfusion sanguine), Griffin se comporte dès lors comme un vampire moderne chaque fois qu’il veut se débarrasser de sa transparence, se mettant du coup en quête de sang frais. Contrairement au récit narré par H.G. Wells, nul besoin ici des effets secondaires d’une drogue pour que notre fugitif se mue en monstre. L’invisibilité elle-même – et l’impunité qui en est corollaire – a suffi à l’absoudre de toute morale.  Belle idée, certes, mais c’est hélas l’une des seules que cette cinquième variante d’Universal sur le genre aura su développer hors des lieux communs. « Il a exploré trop profondément des lieux interdits », déclarera en guise d’épitaphe l’un des protagonistes, à l’issue d’un dénouement retrouvant la noirceur du tout premier film de la série.

 

© Gilles Penso


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