LE RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES (1945)

Le futur réalisateur de West Side Story et Le Jour où la terre s’arrêta dirige Boris Karloff dans ce conte délicieusement macabre…

THE BODY SNATCHER

 

1945 – USA

 

Réalisé par Robert Wise

 

Avec Boris Karloff, Henry Daniell, Edith Atwater, Russell Wade, Rita Corday, Bela Lugosi 

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE I TUEURS

Le Récupérateur de cadavres se présente comme une suite aux aventures réelles – et macabres – de Burke et Hare, les fameux « résurrectionnistes » qui fournissaient au docteur Knox des cadavres frais pour ses expériences, et qui inspirèrent la nouvelle « The Body Snatcher » de Robert Louis Stevenson. Même s’il sert de référence officielle au film, le texte de l’auteur de « Docteur Jekyll et Mister Hyde » et « L’Île au trésor » a sérieusement été remanié par le producteur Val Lewton, à qui nous devons les magnifiques La Féline et Vaudou de Jacques Tourneur, et qui révisa de fond en comble une première version du scénario signée Philip MacDonald (au générique, Lewton apparaît comme co-auteur sous le pseudonyme de Carlos Keith). Nous sommes au 19ème siècle, dans une Édimbourg particulièrement sombre et sinistre. Le docteur Wolfe McFarlane travaille dans une école médicale où il pratique de nombreuses expériences sur les cadavres. Pour ces dernières, il lui faut en permanence des corps humains. Il a donc recours à John Gray, un cocher qui lui livre régulièrement un bon stock de chair fraîche.

Les moyens qu’emploie Gray pour obtenir sa matière première ne sont certes pas très catholiques, mais McFarlane préfère fermer les yeux. « Qu’est-ce que Gray pour moi ? », explique-t-il pour se défausser « Un homme à qui j’achète ce dont j’ai besoin quand j’en ai besoin. Le reste importe peu. » Un jour, une jeune veuve le supplie de soigner sa petite fille, paralysée depuis un accident. Dans un premier temps, McFarlane refuse d’opérer pour pouvoir consacrer tout son temps à son école de médecine. Mais Gray, qui semble lié à lui par un passé obscur, le convainc de s’exécuter, et lui apporte pour ses expériences le cadavre de la jeune chanteuse des rues qui, pourtant, était bien vivante peu de temps auparavant… Habile, le scénario décrit ainsi parallèlement les espoirs d’une jeune veuve pour guérir sa fillette et les tourments du peu scrupuleux docteur, harcelé par le maléfique Gray, cocher, profanateur de sépultures et assassin interprété avec emphase par Boris Karloff.

Le profanateur de sépultures

Bela Lugosi joue ici un petit rôle de serviteur attardé qui tente maladroitement de faire chanter Gray, et que celui-ci assassine au cours d’une scène assez éprouvante, qui marque historiquement la dernière réunion à l’écran des deux monstres sacrés. Les autres meurtres sont plus suggérés, en particulier celui de la chanteuse des rues. Sa voix résonne sous les voûtes de la ville tandis que le cocher s’enfonce dans l’obscurité d’une ruelle magnifiquement éclairée par le chef opérateur Robert de Grasse. Puis soudain tombe le silence, aussi froidement qu’un couperet. Le résultat est aussi subtil qu’efficace. McFarlane est interprété avec beaucoup de conviction par Henry Daniel, affligé par Karloff qui, tel les Furies de la mythologie grecque, semble n’exister que pour le persécuter sournoisement. « Vous êtes devenu un cancer », finit-il par décréter. « Un cancer malfaisant et diabolique qui me détruit l’esprit. » Le final, au cours duquel McFarlane est pris d’hallucinations pendant que le cheval de sa carriole s’emballe sous la pluie nocturne, clôt en beauté ce récit inquiétant marquant l’une des heureuses collaborations qui lièrent le producteur Val Lewton et le réalisateur Robert Wise promis à un avenir prestigieux.

 

© Gilles Penso


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