L’EXPÉRIENCE INTERDITE (1990)

L’une des œuvres les plus emblématiques de Joel Schumacher plonge cinq étudiants en médecine dans un voyage dangereux vers l’au-delà…

FLATLINERS

 

1990 – USA

 

Réalisé par Joel Schumacher

 

Avec Kiefer Sutherland, Julia Roberts, Kevin Bacon, William Baldwin, Oliver Platt, Kimberly Scott, Joshua Rudoy

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE I MORT

Pendant ses jeunes années à Boston, l’étudiant Peter Filardi est marqué par l’expérience de mort imminente que lui raconte l’un de ses amis. Bien plus tard, Filardi s’en inspire pour imaginer le récit de L’Expérience interdite. Ce sera son premier scénario de long-métrage. Au moment où on lui propose de porter cette histoire à l’écran, Joel Schumacher est en train de réaliser un documentaire sur « The Center of Living » de New York, une organisation dédiée à l’accompagnement des patients au stade terminal de leur maladie. Ce tournage est bien sûr éprouvant, et la lecture du scénario de Filardi fait écho dans l’esprit du cinéaste. Fasciné par cette histoire de vie et de mort, Schumacher sait qu’il risque malgré tout de se heurter à un obstacle : comment rendre visuellement attrayantes ces nombreuses scènes statiques où un groupe d’acteurs regarde l’un d’entre eux allongé sur une table ? La solution lui saute aux yeux : s’écarter d’une approche clinique réaliste au profit d’une mise en image baroque et gothique. Ses principaux alliés artistiques seront le chef décorateur Eugenio Zanetti, le directeur de la photographie Jan de Bont et le compositeur James Newton Howard. De l’autre côté de la caméra, Schumacher parvient à réunir un casting de jeunes talents diablement prometteurs : Kiefer Sutherland, Julia Roberts, Kevin Bacon, William Baldwin et Oliver Platt.

L’Expérience interdite raconte l’histoire de cinq étudiants en médecine ambitieux et audacieux qui rêvent de découvrir ce qui se passe après la mort. Pour répondre à cette question existentielle, ils décident de se plonger dans un état de « mort provisoire » selon un procédé technique très minutieux : l’arrêt du cœur grâce au chlorure de potassium, la baisse de la température, la mort clinique, puis le retour à la vie par injection d’adrénaline. Bientôt, l’expérience se mue en compétition, chaque cobaye désirant demeurer plus longtemps en état de « mort provisoire » que le précédent. Mais les visions fugitives perçues pendant cet état second reposent sur les erreurs, les fautes, les frustrations et les remords liés à chaque individu qui tente l’expérience. Et ces visions resurgissent après que les cobayes aient été ranimés. Car on ne revient pas seul de l’au-delà…

D’entre les morts

L’Expérience Interdite fait partie de ces films rares dont l’alchimie insaisissable naît d’une cohésion de talents œuvrant dans un parfait unisson. En s’appuyant sur le charisme de ses jeunes comédiens et sur le savoir-faire de son équipe artistique, Joel Schumacher redouble d’inventivité pour faire pénétrer les spectateurs dans la subjectivité de ses personnages. Le moindre détail anodin prend alors une tournure inquiétante : des vélos qui crissent de manière trop stridente, une rame de métro qui change presque d’aspect en entrant dans un tunnel, l’éclairage d’une ruelle nocturne qui se modifie… En revenant d’entre les morts, nos héros ont une perception soudain altérée de la réalité, prélude au surgissement de visions beaucoup plus alarmantes. On pense aux effets de style d’Adrian Lyne dans L’Échelle de Jacob, dont le sujet est très voisin. Les scènes purement fantastiques de L’Expérience interdite – autrement dit les « voyages » dans l’au-delà et les hallucinations qui en découlent – possèdent un caractère quasiment palpable, à tel point que le spectateur est soumis à une véritable douche écossaise. Les tréfonds de l’horreur cérébrale et les moments d’émotion pure s’alternent sans cesse, avec à la clef l’apparition des fantômes du passé et leurs doubles visages (enfant assassin / enfant fragile, père zombie / père affectueux). Le risque pris par le scénario de Filardi était le basculement final dans une rédemption imprégnée de moralisation judéo-chrétienne balourde. Le film n’échappe pas totalement à cet écueil mais demeure une pièce maîtresse dans l’œuvre de Joel Schumacher, sans conteste l’un de ses films les plus mémorables et les plus aboutis.

 

© Gilles Penso


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