SIGNES (2002)

Mel Gibson et Joaquin Phoenix doivent lutter contre une invasion extra-terrestre qui menace leur famille et l’humanité tout entière…

SIGNS

 

2002 – USA

 

Réalisé par M. Night Shyamalan

 

Avec Mel Gibson, Joaquin Phoenix, Rory Culkin, Abigail Breslin, M. Night Shyamalan, Cherry Jones, Patricia Kalember, Ted Sutton, Merritt Wever

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA M. NIGHT SHYAMALAN

Comme souvent chez M. Night Shyamalan, le scénario de Signes s’est développé à partir d’une idée simple : raconter la fin du monde de manière intimiste en adoptant le point de vue d’une famille. En creusant cette envie première, l’auteur-réalisateur opte pour une invasion extra-terrestre et pour le motif visuel des signes circulaires mystérieux apparaissant dans les champs. Le récit qu’il bâtit sert finalement de métaphore à un sujet plus universel : la foi. « Pour moi, le recours au fantastique et à la science-fiction est le meilleur moyen d’aborder des sujets liés à la spiritualité d’une manière qui ne soit pas trop frontale, trop directe », nous explique-t-il. « Ça permet de traiter ces thèmes en se déconnectant de la religion. On peut parler de la foi sans pour autant aborder les croyances « traditionnelles ». Dans mes films, il ne s’agit pas de croire à Dieu, au diable ou aux anges, mais aux extra-terrestres, aux fantômes ou aux créatures. Ce qui revient au même, finalement. La foi est un sujet fascinant. Sommes-nous capables de croire à des choses que nous ne pouvons pas prouver ? C’est une question qui m’intéresse, et le Fantastique est un vecteur idéal pour tenter d’y répondre. » (1) Plusieurs classiques du fantastique le guident dans son écriture puis dans sa mise en scène, notamment Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock, La Nuit des morts-vivants de George Romero et L’Invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel. Charge à lui de bien digérer ces influences complémentaires pour signer une œuvre personnelle.

La prodigieuse symphonie composée par James Newton Howard pour l’ouverture du film semble vouloir faire écho à la bande originale de Rencontres du troisième type. Nous sommes dans le comté de Bucks, en Pennsylvanie, à 70 km de Philadelphie. Durement ébranlé par la mort de sa femme dans un accident de voiture, le père Graham Hess a renoncé à la foi et à ses fonctions de prêtre pour devenir fermier. Pour ce rôle, Shyamalan envisageait au départ Paul Newman ou Clint Eastwood, avant d’opter pour un acteur plus jeune, en l’occurrence Mel Gibson. Ce dernier s’avère parfait sous la défroque d’un ancien homme d’église aux convictions ébranlées. Quelques détails discrets témoignent de son ancienne vie, comme une photo où il porte le col blanc ou encore la marque d’un crucifix qui a été décroché du mur. « Personne ne veille sur nous », dira-t-il plus tard pour bien marquer l’évaporation de ses croyances. « Nous sommes seuls. » Alors qu’il mène une vie paisible entouré de ses deux enfants, Morgan (Rory Culkin) et Bo (Abigail Breslin), et de son frère cadet Merrill (Joaquin Phoenix), un ancien joueur de base-ball, Graham devient le témoin d’apparitions et de signes mystérieux dans sa propriété. Quelle est la véritable origine de ces étranges phénomènes ?

Crise de foi

Très tôt dans son film, Shyamalan renforce le sentiment d’inconfort en optant pour des angles de prise de vue bas, au ras du sol, évoquant une sorte de menace invisible. Lorsque le chien familial, occupant une grande partie de l’avant-plan, se met soudain à aboyer de manière inquiétante en direction des enfants, le cadrage le transforme presque en monstre. Le décor du grand champ lui-même convoque une imagerie proche de celle des Démons du maïs. Tous les partis-pris de mise en scène accentuent le caractère oppressant de cette invasion extra-terrestre qui mettra longtemps à s’affirmer concrètement dans l’esprit des protagonistes. Dans la scène de la cave, le réalisateur pratique presque du « found footage » avant l’heure, détournant la caméra de l’action principale, ne décrivant les événements que par l’entremise du hors-champ, cadrant une lampe torche tombée par terre alors que l’essentiel se joue ailleurs. Plus tard, lorsqu’une créature s’immiscera chez nos héros, ce n’est qu’un reflet qui sera offert aux spectateurs. Cette approche est audacieuse, mais – revers de la médaille – très frustrante, car finalement nous ne verrons rien. A trop vouloir jouer la carte de l’épure et du non-dit, le cinéaste nous donne le sentiment de tourner autour de son sujet sans l’aborder frontalement. Comme en outre le double-sens du mot signe (les cercles dans les champs mais aussi les indices « divins » qui pavent notre destinée) nous est expliqué sans beaucoup de finesse, avec en prime une image finale illustrant lourdement la reconquête de la foi, le cinquième long-métrage de Shyamalan ne nous convainc qu’à moitié.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2015

 

© Gilles Penso


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