HYPNOTIC (2023)

Robert Rodriguez met en scène Ben Affleck dans un thriller parapsychologique où la réalité et l’illusion s’entrechoquent brutalement…

HYPNOTIC

 

2023 – USA

 

Réalisé par Robert Rodriguez

 

Avec Ben Affleck, Alice Braga, J.D. Pardo, Dayo Okeniyi, Jeff Fahey, Jackie Earle Haley, William Fichtner, Zane Holtz, Ruben Cabaalero, Kelly Frye, Sandy Avila

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX

L’histoire d’Hypnotic aura obsédé Robert Rodriguez pendant deux bonnes décennies. C’est en 2002, alors qu’il est aux commandes du sympathique Spy Kids 2, que le prolifique réalisateur d’El Mariachi ébauche les premières esquisses de ce qu’il qualifiera plus tard d’une de ses histoires préférées. Mais ce projet restera longtemps en sommeil, le temps pour Rodriguez d’aborder d’autres sujets avec plus ou moins de bonheur : Spy Kids 3 et 4, Desperado 2, Sin City 1 et 2, Les aventures de Shark Boy et Lava Girl, Planète terreur, Machete et Machete Kills, Red 11, Alita Battle Angel, C’est nous les héros… Autant dire que notre homme est éclectique (et inégal). En 2018, Rodriguez décide de réactiver Hypnotic, qui ne verra le jour que quelques années plus tard sous forme d’un blockbuster mêlant les codes du film d’action, du thriller parapsychologique et de la fable de science-fiction mâtinée d’espionnage. Co-écrit avec Max Borenstein (auteur attitré du « monsterverse » du studio Legendary dominé par Kong et Godzilla), le scénario définitif d’Hypnotic laisse transparaître plusieurs sources d’inspiration, les plus évidentes étant le Scanners de David Cronenberg et le Firestarter de Mark Lester. Pour autant, ce récit alambiqué se révèle déconcertant, riche en surprises et en rebondissements vertigineux.

Au départ, la situation semble claire. Ben Affleck entre dans la peau de Danny Rourke, un inspecteur de la police d’Austin encore bouleversé par la disparition de Minnie, sa fille de sept ans. La thérapeute qu’il consulte régulièrement doit pouvoir juger de sa capacité à poursuivre ses activités. Mais le temps n’est pas à la réflexion. Un appel anonyme vient en effet de parvenir aux oreilles de la police, annonçant le cambriolage du coffre-fort d’une banque voisine. Or le casse a bel et bien lieu. En intervenant sur place arme au poing, Rourke découvre un homme mystérieux (William Fichtner) qui semble télécommander à distance et d’un simple regard les faits et gestes de tous ceux qui ont le malheur de croiser sa route. Cet homme est un « hypnotique », doué d’une capacité hors du commun lui permettant d’annihiler la volonté de n’importe qui pour dicter son comportement et ses actes. Or il n’est pas seul à posséder ce pouvoir. En poussant plus loin l’enquête, Rourke se retrouve piégé dans un labyrinthe de pièges physiques et mentaux dont il aura beaucoup de mal à sortir indemne…

Les labyrinthes du cerveau

Beaucoup de séquences d’action et de suspense redoutablement efficaces ponctuent Hypnotic, preuves du savoir-faire et de la virtuosité toujours intacts de Robert Rodriguez en ce domaine. Pour visualier certaines des illusions provoquées par les « hypnotiques », ce dernier n’hésite pas à se laisser influencer par Dark City et Inception, notamment lorsqu’il s’agit de recomposer l’architecture des bâtiments et des rues. Le concept du film est malin et permet de nombreuses déclinaisons dramatiquement intéressantes. Le problème, c’est que le scénario passe son temps à nous expliquer les règles du jeu à travers de trop nombreux dialogues d’exposition disséminés tout au long de l’intrigue (par l’entremise du personnage de Danny Rourke qui découvre tout ça en même temps que les spectateurs). Le procédé, très mécanique, fixe rapidement ses propres limites. Fort heureusement, un vertigineux coup de théâtre survient à mi-parcours en questionnant non seulement les protagonistes mais aussi le public sur les notions de réalité et d’illusion ainsi que sur les tours que le cerveau nous joue pour reconstruire – volontairement ou non – notre propre environnement. Le médium cinéma n’en est-il pas le meilleur exemple, temple de la suspension d’incrédulité et de l’immersion fictive dans d’autres vies que les nôtres ? Ne serait-ce que sur ce point, Hypnotic est un exercice de style fascinant, même si ses maladresses l’empêchent d’échapper au statut de simple série B à gros budget.

 

© Gilles Penso


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