Quatorze ans après leur première aventure, les super-héros à l’uniforme rouge orné d’un « i » font leur grand retour…
INCREDIBLES 2
2018 – USA
Réalisé par Brad Bird
Avec les voix de Craig T. Nelson, Holly Hunter, Sarah Vowell, Huck Milner, Catherine Keener, Eli Fucile, Bob Odenkirk, Samuel L. Jackson, Michael Bird
THEMA SUPER-HÉROS I SAGA PIXAR
Brad Bird est un artiste à part qui semble résolument refuser de vivre dans son temps, ou du moins d’inscrire son œuvre dans une époque contemporaine. En se penchant sur sa filmographie, on y découvre une propension quasi-systématique à plonger ses intrigues dans un cadre historique situé généralement au milieu du vingtième siècle, tout en y intégrant souvent des éléments futuristes. Déjà son court-métrage Family Dog, diffusé dans le cadre de la série Histoires fantastiques produite par Steven Spielberg, avait-il les allures d’un dessin animé échappé de l’époque Hanna Barbera. Avec Le Géant de fer, il nous immergeait dans les années 50 de la Guerre Froide pour y faire surgir un robot digne de Jules Verne ou H.G. Wells. Dans Les Indestructibles, il contait les exploits de super-héros déjà passés de mode dans des sixties alternatives inspirées de celles des premiers James Bond. A l’occasion de Ratatouille, il brossait le portrait d’un Paris atemporel empreint de nostalgie. A la poursuite de demain, quant à lui, se situait à cheval entre l’année 1964 et un monde futur parallèle, l’époque actuelle n’étant visiblement qu’un sas entre ces deux périodes. Même Mission Impossible : protocole fantôme n’est contemporain qu’en apparence, puisque le film s’inspire de la série TV créée par Bruce Geller dans les années 60 et l’agrémente d’une technologie en avance sur son temps. En toute logique, Les Indestructibles 2 creuse ce sillon en jouant même la carte de la mise en abyme. En effet, les événements du film se déroulent immédiatement après ceux de son prédécesseur alors que quatorze années séparent la réalisation des deux longs-métrages.
Comme Toy Story 3 en son temps, Les Indestructibles 2 parvient à respecter l’esprit et le style du premier film tout en intégrant les bonds technologiques survenus entre-temps dans le domaine des images de synthèse. Le scope est bien plus large, les décors plus vastes, les scènes d’action plus spectaculaires, mais le minimalisme des années 60 cher à Brad Bird est toujours au cœur de l’univers visuel du film. Ce parti pris radical est d’ailleurs annoncé dès le pré-générique, qui réinvente dans un style proche de celui de la série Mad Men les logos de production de Walt Disney et de Pixar. Le nœud dramatique de l’intrigue se dessine après un combat homérique qui laisse la cité en bien piteux état. Consternées par ces détériorations considérables, les autorités refusent que les super-héros continuent à pratiquer la justice et interdisent à nouveau leurs activités. Helen va bientôt connaître un essor important dans ses activités de super-héroïne, poussant Bob à rester à la maison pour s’occuper des enfants. Cette réorganisation des tâches domestiques est de toute évidence la partie du récit qui intéresse le plus Brad Bird, les super-pouvoirs et les combats contre les vilains agissant du coup comme métaphores des responsabilités du couple au sein de la cellule familiale. Le thème principal du film reste celui de la difficulté de concilier vie personnelle et vie professionnelle, avec en filigrane les sacrifices que l’un des parents doit faire pour laisser la carrière de l’autre s’épanouir.
Family Business
Portées par une musique enthousiasmante de Michael Giacchino, les aventures des héros et des vilains du film s’agrémentent d’un discours passionnant sur le rôle qu’occupent les écrans dans nos sociétés. Jouant une fois de plus la carte du paradoxe temporel, Brad Bird mélange les préoccupations du milieu du vingtième siècle – l’arrivée en masse des téléviseurs dans les foyers du monde entier – avec celles du monde actuel – marqué par l’omniprésence des écrans – pour délivrer un message qu’il place ironiquement dans la bouche de son super-vilain. Car l’Hypnotiseur accuse ses contemporains de consommer par procuration la vie des autres, face à leurs téléviseurs, au lieu de sortir vivre eux-mêmes leurs propres aventures. Et pour appuyer son propos, le malfaiteur utilise les écrans pour annihiler la volonté de ses victimes. Malicieux, Brad Bird met même en scène une version rétrofuturiste des caméras go-pro et insère dans son film un extrait du générique de la série des années 60 Au-delà du réel dans lequel des entités extraterrestres prennent le contrôle des téléviseurs. Le passé, le présent et le futur s’entremêlent encore et toujours, marque de fabrique d’un cinéaste à l’univers décidément hors du commun… et du temps.
© Gilles Penso
Partagez cet article