GHOST IN THE SHELL (1995)

Dans un monde futuriste où l’homme fusionne de plus en plus avec la machine, une femme cyborg s’interroge sur sa propre identité…

KÔKAKU KIDÔTAI

 

1995 – JAPON

 

Réalisé par Mamoru Oshii

 

Avec les voix de Atsuko Tanaka, Akiko Ôtsuka, Kôichi Yamadera, Yutaka Nakaono, Tamio Ôki, Tesshô Genda, Namaki Masakazu, Masato Yamanouchi, Shinji Ogawa

 

THEMA FUTUR I ROBOTS

Publié à partir de 1989, le manga cyberpunk Ghost in the Shell de Masamune Shirow se distingue par son mélange d’action, de philosophie et de spéculations technologiques. L’éditeur japonais Kodansha flaire le potentiel cinématographique de l’œuvre et s’associe à Production I.G pour l’adapter à l’écran. Manga Entertainment UK, société britannique spécialisée dans l’import et la production de films d’animation japonaise, accepte de cofinancer le film et mise sur Mamoru Oshii, déjà reconnu pour Patlabor et son approche introspective de la science-fiction. Ce choix s’avère déterminant : Oshii s’empare du matériau original pour le réinventer sous un jour plus contemplatif et plus philosophique. L’équipe technique mêle des vétérans de l’animation traditionnelle et des pionniers du numérique. Car Ghost in the Shell s’annonce comme avant-gardiste en bien des domaines, fusionnant le dessin animé traditionnel et les effets numériques (sollicités notamment pour visualiser les interfaces informatiques et les séquences d’invisibilité). La production va mobiliser environ 70 animateurs et s’étendre sur près de deux ans. Si l’animation est principalement réalisée à Tokyo, la supervision du projet prend vite une dimension internationale, avec des échanges réguliers entre Production I.G, Kodansha et Manga Entertainment. Ghost in the Shell est clairement pensé pour le marché mondial.

Dans un futur proche, la frontière entre l’humain et la machine s’estompe. Les avancées cybernétiques permettent désormais aux individus d’augmenter leur corps avec des implants robotiques et, parfois, de transférer leur conscience dans des coquilles artificielles — les « shells ». Le « ghost », quant à lui, représente ce qui reste de l’âme ou de l’esprit. Au cœur de cette société technologique évolue le major Motoko Kusanagi, une agente d’élite de la Section 9, unité gouvernementale spécialisée dans la cybersécurité et l’antiterrorisme. Le major incarne à elle seule les paradoxes de son époque : un corps entièrement artificiel, mais habité par un esprit humain qui doute, s’interroge et cherche un sens à sa propre existence. Or la Section 9 est chargée d’enquêter sur un mystérieux hacker surnommé le « Puppet Master », capable de s’infiltrer dans les réseaux les plus sécurisés… mais aussi de pirater les cerveaux augmentés des citoyens, les forçant à agir à leur insu. Au fil de son enquête, Motoko finit par s’interroger sur sa propre identité…

Les simulacres de l’humanité

Ghost in the Shell impressionne d’emblée par son animation extrêmement dynamique, alternant les séquences d’action ultra-nerveuses et les moments de poésie pure, où la pesanteur n’a plus cours, où le temps suspens son vol, où l’organique et la mécanique fusionnent. La ville où se situe l’action, inspirée par Hong Kong, y est magnifiée : pluvieuse, verticale, labyrinthique, presque vivante. Parmi les scènes les plus marquantes du film, on retient la séquence d’ouverture où le major Kusanagi se jette dans le vide avant de se rendre invisible, l’immersion contemplative au cœur de la ville, ou encore l’affrontement final d’une brutalité sèche entre le major et un tank robotique arachnéen. Porté par la superbe musique de Kenji Kawai (qui mêle les percussions tribales, les chœurs religieux, les nappes planantes et hypnotiques), le film cultive un ton grave, méditatif. Il interroge le corps, l’identité, la mémoire et le libre arbitre, dans un monde dominé par la dématérialisation. Les simulacres d’humanité sont symbolisés par des mannequins en plastique qu’on aperçoit dans une vitrine, tandis qu’en fin de métrage, l’image des impacts de balles d’une machine détruisant des fossiles préhistoriques semble suggérer que la technologie est en train d’effacer le passé pour s’y substituer. L’influence de Ghost in the Shell sera immense. Les Wachowski y puiseront allègrement pour concevoir Matrix, tandis que James Cameron le qualifiera de « chef-d’œuvre philosophique ». Le film a aussi contribué à légitimer l’animation japonaise auprès d’un public adulte occidental, bien au-delà des cercles d’initiés, une démarche qui avait déjà été amorcée quelques années plus tôt par Akira.

 

© Gilles Penso

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