

Sur une île isolée d’Europe de l’est, une jeune fille découvre une petite créature sauvage et décide de la ramener à sa mère, envers et contre tous…
THE LEGEND OF OCHI
2025 – USA
Réalisé par Isaiah Saxon
Avec Helena Zengel, Willem Dafoe, Emily Watson, Finn Wolfhard, Razvan Stoica, Carol Bors, Andrei Antoniu Anghel, David Andrei Baltatu, Eduard Mihail Oaencea
THEMA CONTES
La Légende d’Ochi est le premier long-métrage d’Isaiah Saxon, figure atypique venue du monde des clips musicaux, où il a signé des œuvres marquantes pour Björk (« Wanderlust »), Grizzly Bear (« Knife ») ou encore Panda Bear (« Boys Latin »). Ses réalisations audacieuses mêlent marionnettes, animation et effets pratiques, dans l’esprit d’artisans comme Spike Jonze ou Michel Gondry. « J’ai passé une bonne décennie à écrire des films irréalisables, parce que mon objectif était de toucher les enfants », confie le cinéaste. « S’adresser à eux demande des moyens considérables, ce qui pousse les studios à privilégier des valeurs sûres : des franchises célèbres, des licences déjà établies, et des budgets colossaux. Autant dire qu’aucun de ces critères ne favorise l’émergence d’un jeune réalisateur aux idées étranges. Dans ce contexte, j’ai passé des années à écrire des scénarios bien trop coûteux pour l’étape où j’en étais dans ma carrière » (1) Tout change quand A24, studio habitué aux œuvres horrifiques et indépendantes, se laisse séduire par le projet de La Légende d’Ochi. Saxon envoie le scénario à Willem Dafoe, qui accepte en 48 heures. Suivront Emily Watson et la jeune Helena Zengel, révélée dans System Crasher. Pour boucler le financement, l’auteur/réalisateur approche les frères Russo, via ses amis Daniel Kwan et Daniel Scheinert, qui collaborèrent avec eux sur Everything Everywhere All at Once. Grâce à eux, AGBO injecte des fonds d’amorçage et le film entre en production.


Nous sommes sur l’île imaginaire de Carpathia, une terre rude peuplée de communautés agricoles isolées. Les anciens racontent qu’il ne faut jamais s’aventurer dans les bois après la tombée de la nuit à cause des Ochi, des créatures mystérieuses aux couleurs vives, proches du singe, qui poussent des cris aigus et échappent depuis toujours à la compréhension humaine. Maxim (Willem Dafoe), patriarche excentrique et autoritaire, dirige une milice d’enfants armés pour les traquer, sous prétexte de protéger les siens. Mais sa fille, Yuri (Helena Zengel), ne partage ni sa violence ni sa vision du monde. Solitaire et sensible, la jeune fille peine à trouver sa place dans une famille où son père privilégie clairement ses apprentis guerriers. Un soir, lors d’un repérage dans la forêt, elle découvre un bébé Ochi, piégé et blessé. Au lieu de l’achever, elle le soigne en cachette, touchée par sa vulnérabilité. Très vite, un lien unique se noue entre eux, fondé sur une langue étrange faite de sons perçants qu’elle apprend à comprendre. Décidée à le rendre à sa mère, Yuri s’aventure au-delà des frontières du connu, bravant la colère de son père, la traque de ses frères d’armes et les secrets enfouis de sa propre histoire…
L’appel de la forêt
Il y a du E.T. et du Gremlins dans cette histoire, indubitablement, mais contrairement à nombre de ses confrères emportés par un élan nostalgique, Isaiah Saxon ne cherche jamais à reproduire l’atmosphère ou les effets de styles du cinéma d’Amblin des années 80. Le style de son film est plus brut, plus sauvage, plus instinctif, beaucoup moins lisse que les contes familiaux habituels. Cette singularité est d’ailleurs parfaitement saisie par la bande originale du film signée David Longstreth. De fait, même si la petite créature vedette en évoque d’autres (le Mogwaï de Gremlins, le Grogu du Mandalorian), le lien qui se resserre entre elle et la jeune héroïne échappe aux canons du genre. Le film s’appuie beaucoup sur la qualité de ses effets spéciaux (combinant l’animatronique à l’ancienne et les effets numériques) pour mieux rendre crédible cet univers hybride partagé entre le réalisme « terrien » (cette communauté rurale qui patauge dans la boue en écoutant de vieilles chansons à la radio) et la fantasmagorie féerique (le repaire des créatures simiesques, sorte de relecture de l’île du crâne de King Kong reconstituée dans de magnifiques extérieurs roumains dont le chef opérateur Evan Prosofsky capte habilement la somptueuse photogénie). La Légende d’Ochi présente donc le grand mérite d’éviter les sentiers battus. Revers de la médaille : sa tonalité est tellement indéfinissable qu’elle peut jouer en sa défaveur, trop étrange pour séduire pleinement les jeunes spectateurs et pas assez adulte pour convaincre totalement les autres. Mais un film qui cherche à échapper aux diktats imposés par les « deal memos » des grands studios est toujours à marquer d’une pierre blanche.
(1) Extrait d’une interview publiée dans Filmmaker en avril 2025.
© Gilles Penso
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