

L’héritier d’un château en Irlande fait croire qu’il est hanté pour attirer les touristes, jusqu’à ce que de véritables fantômes débarquent…
HIGH SPIRITS
1988 – USA / GB / IRLANDE
Réalisé par Neil Jordan
Avec Steve Guttenberg, Daryl Hannah, Peter O’Toole, Beverly D’Angelo, Liam Neeson, Martin Ferrero, Liz Smith, Peter Gallagher, Jennifer Tilly, Connie Booth
THEMA FANTÔMES
À la fin des années 1980, Neil Jordan est déjà une figure montante du cinéma irlandais. Révélé par Angel (1982), La Compagnie des loups (1984) et Mona Lisa (1986), il s’impose comme un auteur sensible, attaché aux marges et aux personnages ambigus. C’est dans ce contexte qu’émerge High Spirits. Le projet naît sous l’impulsion des producteurs Michael White (The Rocky Horror Picture Show) et Stephen Woolley, fidèle collaborateur de Jordan. Séduit par l’idée de tourner en Irlande, Neil Jordan accepte de s’y atteler, tout en insufflant au projet une touche personnelle. Le tournage a lieu en grande partie dans le comté de Meath, à Dunsany Castle, et en studio. Le décor du château mêle ainsi architecture réelle et extensions construites en plateau. Le casting du film, international, rassemble Peter O’Toole, Steve Guttenberg, Daryl Hannah, Beverly D’Angelo et un tout jeune Liam Neeson. Mais la production ne se déroule pas sans heurts. Neil Jordan entre en effet en désaccord avec les producteurs, qui souhaitent accentuer l’aspect comique du film, quitte à trahir sa vision première. D’où un résultat hybride que l’auteur/réalisateur aura tendance à renier par la suite.


Peter Plunkett (Peter O’Toole), héritier fauché d’un château délabré en Irlande, tente le tout pour le tout : pour échapper à la faillite et éviter que l’édifice ne soit déplacé pierre par pierre à Malibu par un homme d’affaires sans scrupules, il transforme sa demeure en attraction touristique. Son idée : faire passer le château pour « le plus hanté d’Europe » afin d’attirer les dollars des visiteurs américains. Soutenu par une équipe de fortune et inspiré par les récits de sa mère Lavinia (Liz Smith) sur les esprits de leurs ancêtres, Peter monte un spectacle de fantômes avec costumes, effets spéciaux approximatifs et chambres truquées. Parmi les premiers clients venus tester l’expérience se trouve Jack Crawford (Steve Guttenberg), qui espère raviver la flamme avec sa femme Sharon (Beverly D’Angelo) lors d’une seconde lune de miel. Mais les subterfuges de Peter font long feu, et les visiteurs s’ennuient. Jusqu’à ce que le surnaturel s’en mêle vraiment. Offensés par la mauvaise mise en scène, de véritables spectres sortent de l’ombre. Jack rencontre alors Mary Plunkett (Daryl Hannah), une véritable revenante et l’arrière-petite-cousine de Peter, ainsi que son époux jaloux et fantomatique, Martin Brogan (Liam Neeson). Le château se transforme en théâtre de manifestations paranormales incontrôlables, où les frontières entre vivants et morts se brouillent dangereusement…
Des esprits qui manquent d’esprit
On sait depuis longtemps que les histoires de revenants peuvent faire bon ménage avec l’humour et la romance. Mais High Spirits, malgré ses bonnes intentions et son casting calibré pour séduire, peine à nous convaincre. Ceux qui ont goûté aux fantaisies surnaturelles de S.O.S. fantômes ou aux envolées poétiques d’Histoires de fantômes chinois risquent de trouver cette comédie bien terne en comparaison. Steve Guttenberg et Daryl Hannah, échappés respectivement de Cocoon et Splash, y jouent des rôles taillés sur mesure : lui en amoureux sympathique et maladroit, elle en spectre gracile et romantique. L’alchimie du duo fonctionne plutôt bien, mais Neil Jordan, qui signe ici l’unique incartade franchement burlesque de sa carrière, semble hésiter entre hommage aux contes gothiques et pastiche cartoonesque. De son côté, Peter O’Toole, en maître d’hôtel ruiné, cabotine sans retenue au beau milieu de ce capharnaüm ectoplasmique. Côté effets spéciaux, High Spirits n’est pas sans charme : quelques trucages inventifs conçus par Derek Meddings (qui annoncent ceux, plus spectaculaires, de Ghost), des décors hantés bien exploités, une ambiance qui évoque parfois un tour de train fantôme (avec bus volant et lits baladeurs en prime). Mais à mesure que le récit s’enfonce dans l’hystérie – chevaux qui parlent, fusées tirées depuis les nuages, dialogues criards –, la farce devient vide, bruyante et, surtout, peu drôle. Cela dit, Neil Jordan a toujours affirmé que la version sortie en salles n’était pas la sienne. Écarté du montage final, le réalisateur soutient qu’un High Spirits plus cohérent et personnel dort encore dans un coffre-fort. Un film fantôme, en somme… qui pourrait bien hanter sa filmographie, tant cette comédie reste, à ce jour, sa seule véritable fausse note.
© Gilles Penso
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