

Une imitation ultra-maladroite et délicieusement kitsch de Star Wars, conçue par les rois du cinéma bis italien des années 70…
L’UMANOIDE
1979 – ITALIE
Réalisé par Aldo Lado
Avec Richard Kiel, Corinne Clery, Leonard Mann, Barbara Bach, Arthur Kennedy, Ivan Rassimov, Marco Yeh, Massimo Serato
THEMA SPACE OPERA
Sorti dans le sillage de La Guerre des étoiles, L’Humanoïde est caractéristique d’une époque où les producteurs italiens se ruaient sur la moindre franchise à succès pour en livrer des copies low-cost. Dès l’ouverture, le ton est donné : un méchant masqué, habillé de noir, répondant au nom de Graal (aucun lien avec les Chevaliers de la Table Ronde), incarné par Ivan Rassimov, s’échappe d’un satellite-prison pour renverser son « Grand Frère » (Massimo Serato), souverain pacifique de la planète Metropolis (aucun lien avec Superman ou Fritz Lang), version futuriste et utopique de la Terre (aux allures de la cité aseptisée de L’Âge de cristal). Avec son armure noire, son casque intégral et son vaisseau inspiré des destroyers de l’Empire, Graal est un clone évident de Dark Vador. Il s’associe au docteur Kraspin (Arthur Kennedy), scientifique fou récemment libéré par Lady Agatha (Barbara Bach). Leur plan consiste à créer une armée d’humanoïdes invincibles grâce au « Kappatron », une substance chimique transformant tout être humain en soldat invincible. Kraspin en profite pour reprendre ses expérimentations dignes du docteur Fu Manchu, alimentant le sérum de jeunesse d’Agatha avec des fluides extraits de jeunes femmes capturées, dénudées et torturées dans une boîte hérissée de seringues aspirant leur fluide vital.


Bach campe ici une sorte de comtesse Bathory futuriste au look disco-gothique : crinière permanentée, robe noire échancrée et décolleté vertigineux. Elle finira le film en squelette grimaçant, résultat d’une décrépitude accélérée digne des meilleures trouvailles artisanales d’Antonio Margheriti (Du Sang pour Dracula), ici responsable des effets spéciaux aux côtés d’Armando Valcauda (Star Crash, Contamination). La victime principale du « Kappatron » est Golob, un colosse barbu joué par Richard Kiel (le célèbre Requin de L’Espion qui m’aimait, où il partageait déjà l’affiche avec Barbara Bach). Détourné par Kraspin, son vaisseau se crashe dans un lac – clin d’œil manifeste à La Planète des singes. Kiel émerge alors des eaux, transformé en humanoïde sans barbe (effet secondaire épilatoire non annoncé), balafré, mutique et grognon. Ce proto-Terminator invulnérable marche à travers des murs en polystyrène, insensible aux lasers et grimé comme le monstre de Frankenstein. C’est Tom Tom, un jeune garçon asiatique, qui le ramènera sur le droit chemin. Cette scène est accompagnée d’un joli morceau pour violons composé par Ennio Morricone, seul coup d’éclat d’une bande originale par ailleurs particulièrement terne. Et dire que la même année, le maestro écrivait la sublime musique d’Il était une fois en Amérique !
« Ça ne tourne pas rond dans ta galaxie ! »
Les héros de ce récit chaotique sont Barbara Gibson (Corinne Cléry), scientifique en combinaison moulante qui se déplace dans un aéroglisseur inspiré de celui de Luke Skywalker, et Nick (Leonard Mann), pilote romantique fadasse, tous deux accompagnant l’humanoïde dans sa quête pour libérer Metropolis. Le film culmine vers un interminable gunfight à coups de pistolets lasers dans les couloirs de la base ennemie. Le scénario se ponctue de jurons intergalactiques pittoresques (« Par Saturne ! », « Au nom d’Hélios ! », « Ça ne tourne pas rond dans ta galaxie ! »), et le petit robot-chien Kit, sorte de sous-R2D2, piaille sans cesse aux côtés de Golob, qui joue les émules de Han Solo quand il ne se mue pas en androïde grimaçant. Tourné partiellement à Cinecittà en seulement trois mois, L’Humanoïde est la démonstration éclatante de l’énergie déployée par le bis italien pour tenter d’exister dans l’ombre des blockbusters américains. Mais les maquettes d’Emilio Ruiz, les maquillages de Giannetto de Rossi et les effets visuels de Valcauda peinent à cacher son budget ridicule. Malgré ses fausses allures de film américain (Aldo Lado signe la mise en scène sous le pseudonyme de George B. Lewis), L’Humanoïde ne sera jamais distribué au cinéma aux États-Unis, ce qui l’enfermera dans un ghetto de série B obscure et incunable.
© Gilles Penso
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