TOGETHER (2025)

Après avoir goûté à une source d’eau souterraine au fin fond de la forêt, un couple en crise subit une étrange mutation…

TOGETHER

 

2025 – USA

 

Réalisé par Michael Shanks

 

Avec Dave Franco, Alison Brie, Damon Herriman, Mia Morrissey, Karl Richmond, Jack Kenny, Francesca Waters, Aljin Abella, Sarah Lang, Rob Brown, Ellora Iris

 

THEMA MUTATIONS

« Sommes-nous toujours ensemble parce que nous nous aimons ou parce que nous nous sommes habitués l’un à l’autre ? » Cette ligne de dialogue, qu’on entend vers le début de Together, expose frontalement la problématique majeure que vit le couple mis en scène dans le film. Sur quoi l’équilibre devenu fragile de leur vie commune repose-t-il ? Sont-ils encore des êtres autonomes ? Cette interaction permanente ne finit-elle pas par devenir étouffante ? Michael Shanks lui-même, dont c’est le premier long-métrage après plusieurs courts très remarqués (dont Rebooted, qui rend hommage aux squelettes des films de Ray Harryhausen), y plaque ses propres interrogations et ses propres inquiétudes. « J’ai décidé d’explorer le potentiel horrifique qui peut découler d’une relation à long-terme, les peurs liées à l’engagement, à la codépendance, la monogamie et les ressentiments », explique-t-il (1). Et pour pousser encore plus loin sa démarche, le jeune réalisateur sollicite un véritable couple face à sa caméra : Dave Franco et Allison Brie. Emballés par le projet, les deux acteurs/époux s’investissent à fond – mentalement et physiquement – dans cette romance contrariée qui vire au body horror.

Les prémices de Together nous évoquent The Thing ou La Couleur tombée du ciel. Pendant une battue dans la forêt organisée pour retrouver un couple de randonneurs disparus, deux chiens s’égarent dans les recoins sombres d’une grotte souterraine et s’abreuvent au point d’eau qu’ils y trouvent. Quelques heures plus tard, une étrange mutation les frappe… Cela étant posé, le film nous familiarise avec nos protagonistes Tim (Dave Franco) et Millie (Alison Brie). Ils s’aiment de toute évidence et leur histoire dure depuis un bon moment, mais même leurs amis sentent que quelque chose cloche. Sont-ils vraiment épanouis ? Alors que Millie fait bouillir la marmite en tant qu’institutrice, Tim vivote en rêvant encore – à 35 ans – de percer en tant que musicien. Il n’a même pas son permis de conduire, obligeant sa petite amie à faire office de chauffeur. Cette relation d’interdépendance prend une tournure nouvelle lorsque le jeune couple décide de quitter la grande ville au profit d’une vie campagnarde. Après leur emménagement, ils partent en randonnée pour tenter de resserrer les liens qui se distendent inexorablement. Mais tous deux se perdent dans une grotte souterraine et étanchent leur soif grâce à l’étang qu’ils y trouvent. Le point de non-retour s’amorce alors…

L’amour fusionnel

Together puise d’abord sa force dans la crédibilité de ses personnages. Toutes les petites piques, les reproches sous-jacents ou les regards discrets sonnent juste parce qu’ils sentent le vécu. Michael Shanks intègre même dans son scénario un traumatisme d’enfance très personnel. « J’ai écrit le personnage de Tim comme une version sombre de moi-même », confie-t-il (2). C’est sur cette base solide que s’invite l’élément fantastique, non comme un ajout artificiel mais comme une métaphore directe de la crise que connaît le couple. « La plupart des mariages n’additionnent pas deux personnes : ils en retranchent une de l’autre », disait Ian Fleming avec sa verve volontiers misogyne. Il n’empêche que l’angoisse de cet effacement de personnalité hante tout le métrage. Et lorsque soudain le couple devient plus fusionnel que jamais, frappé par une attraction physique qui dépasse l’entendement, une autre citation – de Victor Hugo celle-là – nous vient à l’esprit : « Le mariage est une greffe : ça prend bien ou mal. » Plus le film avance, plus les questionnements élargissent leur scope, jusqu’à aborder frontalement le sujet de l’identité de genre et à convoquer le mythe grec d’Hermaphrodite. Pour autant, Together ne cherche jamais à intellectualiser son sujet ou à se placer au-dessus du genre. Au contraire, lorsqu’il s’agit de visualiser les conséquences les plus extrêmes de cette situation anormale, Michael Shanks n’y va pas par quatre chemins et repousse les limites corporelles avec une totale absence de retenue. David Cronenberg n’a qu’à bien se tenir : ce jeune émule se révèle particulièrement prometteur.

 

(1) et (2) Extraits d’une interview publiée sur Creative Screenwriting en juillet 2025

 

© Gilles Penso

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